Les enquêteurs,
les intermédiaires et les témoins entendus par la cour
nient toute falsification des témoignages
La cour de première instance de la CPI juge Thomas
Lubanga, inculpé de crime de guerre et crime contre l’humanité
pour l’enrôlement et l’utilisation d’enfants
soldats durant la guerre d’Ituri en 2002 – 2003.
Ce procès a débuté en janvier 2009. Jusqu'en
juillet 2009, l'accusation a présenté 37 témoins.
Après une longue interruption, les représentants des
99 victimes, ont présenté deux témoins en janvier
2010.
La défense accuse des intermédiaires utilisés
par les enquêteurs du Bureau du Procureur (BdP) d'avoir influencé
des témoins pour les amener à mentir. Elle plaidera
le 10 décembre prochain l’abus de procédure.
La cour entend actuellement le témoignage des intermédiaires
et des enquêteurs du BdP.
La semaine précédente, ‘l’intermédiaire
316’ dont il sera beaucoup question durant la semaine du 21
au 28 novembre a nié les allégations de la défense.
Pour des raisons de sécurité des personnes, une grande
partie des auditions se font à huis clos.
Une semaine entière à huis clos
La semaine du 15 au 21 novembre, consacrée à la déposition
d’un enquêteur s’est entièrement faite à
huis clos.
L’enquêteur ‘témoin 583’
a comparu en session ouverte
Nicolas Sebire a une longue carrière derrière lui. Il
a travaillé pour la division du renseignement de la division
anti-terroriste du tribunal de Paris, pour le tribunal spécial
pour l’ex Yougoslavie, pour Interpol et pour la CPI. Il a expliqué
que l’utilisation d’intermédiaires était
nécessaire sur le terrain lorsque les déplacements n’étaient
pas possibles [pour des raisons de sécurité] sur le
territoire de la RDC. Le choix des intermédiaires était
fait sur le critère de non participation aux opérations
militaires et de n’être pas soupçonnés de
crimes.
Il a été interrogé sur les relations qu'il avait
eu avec 'Mr X' et 'l'intermédiaire 316' et les interrogatoires
des 'témoins 35' et 'témoin 15'. Les deux premiers lui
ont servi d'intermédiaire. Le 'témoin 35' est soupçonné
par la défense d'être un escroc et le 'témoin
15' s'est dédit lors de sa déposition devant la cour.
(voir lettre n° 12)
Le cas de ‘Mr X’
Mr X est un intermédiaire utilisé par N. Sebire et mis
en cause par la défense pour avoir incité un témoin
à mentir. Initialement, N. Sebire a considéré
Mr X fiable parce qu’il était capable de localiser et
contacter des individus envisagé par le BdP. Cependant il a
commencé à avoir des doutes sur sa fiabilité.
Et ce n’est seulement que plus tard qu’il a appris que
Mr X était utilisé par d’autres membres du BdP.
Jamais il n’a été informé à l’avance
par l’équipe du BdP, et il a toujours considéré
Mr X comme contact premier.
N. Sebire dit qu’il n’a jamais suspecté Mr X de
préparation des témoins. Mr X n’était jamais
présent lorsqu’il interrogeait les témoins et
aucune question posée au témoin ne lui était
communiquée.
Il a réaffirmé à la cour que Mr X n’était
pas présent lorsqu’il a interrogé le ‘témoin
15’ et le ‘témoin 35’.
Le ‘témoin 15’ a prétendu que Mr X l’avait
suborné pour faire un faux témoignage et qu’il
avait menti sur son identité. N. Sebire a fait part de son
étonnement, parce que l’histoire racontée par
le ‘témoin’15’ était cohérente
sur plusieurs journées d’interrogatoire. Un autre intermédiaire
lui avait par ailleurs indiqué ce témoin avec la même
identité. Il pense que ce témoin ne lui a pas menti.
L'intermédiaire 316
Cet intermédiaire a été mis en cause par le 'témoin
15' qui l'accuse de l'avoir incité à prétendre
faussement qu'il avait été enfant soldat dans la milice
de Thomas Lubanga.
N. Sebire a eu des contacts avec cet intermédiaire, car ce
dernier avait des relations avec l'UPC, et qu'il lui semblait fiable.
Il l'a même recommandé au BdP pour un emploi temporaire.
Il y avait deux facettes dans le travail de 'l'intermédiaire
316'; fournir des renseignements et présenter des témoins.
Selon N. Sebire, cet intermédiaire a donné de bons renseignements.
A une question de la défense, l'enquêteur a bien réaffirmé
que certains renseignements ont demandé à être
recoupés, ce qui est tout à fait normal dans ce travail,
et que le terme "bizarre" qu'il avait utilisé dans
un mail avec le BdP ne signifiait pas "suspect". En mai
2006, il a été décidé de limiter le recours
à l'intermédiaire 316 et de contrôler systématiquement
les informations que cet intermédiaire donnait
Le témoin 35
Après avoir introduit auprès du BdP le 'témoin
35', un ancien commandant de l'UPC, 'l'intermédiaire 316' a
facilité son transfert à Kampala pour être interrogé
par N. Sebire Ce témoin s'est plaint que l'intermédiaire
avait pris une partie de l'argent qui lui était alloué
pour la nourriture et l'hôtel. 'L'intermédiaire 316'
a prétendu qu'il avait fait cela parce que le témoin
utilisait cet argent pour d'autres choses. N. Sebire pense que l'intermédiaire
316 est fiable. De même le 'témoin 35' prétendait
que l'intermédiaire lui avait promis que le BdP lui paierait
tout ce dont il avait besoin. N. Sebire a dû lui affirmer que
le BdP n'avait fait aucune promesse de ce genre.
La défense accuse ce témoin d'être un escroc et
de n'avoir jamais été un commandant de l'UPC.
Bien que n'ayant pas la transcription de l'interrogatoire qu'il a
fait du 'témoin 35', N. Sebire a convenu qu'il n'avait pas
été impressionné par la manière dont celui-ci
a raconté son histoire, mais qu'il ne remettait pas en question
ses déclarations factuelles.
Le témoin 15
Ce témoin était membre de l'UPC au moment où
N. Sebire l'a interrogé. Il avait été introduit
par l'intermédiaire 316'. Bien que ne voulant pas quitter la
milice de l'UPC, il a accepté quand même de collaborer
avec la CPI. L'enquêteur se demandait alors comment protéger
sa sécurité.
Vérification des identités et des informations
N. Sebire, aux questions de la défense sur la vérification
des informations données par 'l'intermédiaire 316' a
rappelé que le recoupement des identités avait été
fait, de même pour les évènements.
Mentir est un péché
Après la déposition de l'enquêteur, la cour a
interrogé un ancien enfant soldat, introduit lui aussi par
'l'intermédiaire 316'. Le procureur l'a interrogé minutieusement
sur ses contacts avec cet intermédiaire. Ce 'témoin
38', voix déformée et visage flouté a répondu
qu'il avait eu peu de contact avec l'intermédiaire. Celui-ci
l'a appelé quelquefois pour prendre de ses nouvelles, mais
qu'ils n'ont jamais parlé de l'enquête. L'enquêteur
lui avait fourni un téléphone portable pour permettre
des contacts directs.
En avril 2007 la CPI a été amené à envoyer
ce témoin à Kinshasa pour le protéger après
qu'il ait reçu des menaces par téléphone. La
CPI lui a aussi financé des soins médicaux et une année
d'école.
A la fin de sa déposition, le procureur l'a interrogé
directement pour savoir si 'l'intermédiaire 316' l'avait incité
à faire un compte-rendu particulier à l'enquêteur,
ou lui avait promis une récompense pour ce qu'il dirait ou
un arrangement pour raconter une histoire fausse à la CPI.
Le témoin a répondu avec emphase : "Je n'ai
dit que ce que je savais et que ce que j'ai fait. Je n'ai jamais exagéré
ou caché quoi que ce soit. Je viens d'une famille chrétienne…
Mentir est un péché. Je préférerais avoir
des problèmes avec moi même que d'avoir des problèmes
avec la morale"
La défense doit présenter sa soumission
d'abus de procédure le 10 décembre
Le juge A. Fullford a refusé à la défense un
délai supplémentaire pour présenter sa soumission
demandant l'arrêt de la procédure, jugeant que le témoignage
du 'témoin 598' n'apporterait rien de significatif pour elle.
Ce témoin devrait, en remplacement du 'témoin 555' faire
état à la cour du climat de terreur qui règne
à Bunia et des pressions faites sur ceux qui sont soupçonnés
de collaborer avec la CPI.
Ce témoin sera entendu à partir de mercredi prochain.
Compte-rendu rédigé à partir des
notes prises par Judith
Armatta
La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population
sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/