Mardi 16 juin
Un témoin reconnaît avoir fait
un faux témoignage
L'homme, identifié sous le nom de témoin
numéro 15 a déclaré aux juges qu'il avait fourni
au bureau du procureur (BdP)une fausse identité et un faux
témoignage sur des points importants. Alors que cette déclaration
a été faite à huis clos, le juge a décidé
de lire à voix haute les parties de la transcription du témoignage,
indiquant qu'il souhaitait que le public soit informé.
"Votre déclaration au BdP est donc inexacte en substance
?" a lu le juge Fulford "C'est exact, c'est une fausse
déclaration" avait répondu le témoin.
Le juge a précisé qu'un nouvelle déclaration
sera enregistrée hors de la salle d'audience par une personne
du BdP ne travaillant pas sur le procès Lubanga. Le procureur
a suggéré que celle-ci soit enregistrée son et
vidéo et que la défense puisse y assister sans prendre
la parole.
"Nous n'avons aucune idée du résultat, mais
on peut imaginer par la suite que la défense pourrait souhaiter
appeler ce témoin".
Le juge Fulford a suggéré que ce témoin soit
assisté d'un avocat qui le conseille et le mette en garde contre
le faux témoignage. Les procureurs ont assuré que le
nouveau témoignage sera recueilli rapidement et qu'il paraîtra
en audience la semaine prochaine.
Mercredi 17 juin et jeudi 18 juin
Ces deux journées ont été consacrées
à l'exposé d'un expert de la région, Roberto
Garreton, juriste chilien, envoyé spécial du Comité
des Nations Unies pour les Droits de l'Homme (UNCHR). R. Garreton
a écrit plusieurs rapports pour la commission des Droits de
l'Homme sur la situation dans l'ex Zaïre suite à des missions
effectuées en 2000.
Il a exposé à la cour, mercredi une histoire de la région
du Congo, de la géographie ethnique de ce pays, et des conflits
qui ont marqué cette région. Il a décrit les
implantations de populations, et les mouvements de celles-ci particulièrement
dans les régions du Nord Est, entre le Rwanda, le Burundi et
le Kivu. Il a rappelé le rôle de la colonisation, puis
des dictatures qui ont régné sur la région :
Mobutu au Zaïre, Idi Amin Dada puis Museveni en Ouganda, Juvenal
Habyarimana au Rwanda. Il a évoqué les 1,2 million de
réfugiés Hutus après le génocide rwandais,
le rôle des Interhawme dans la chasse aux Tutsie après
le génocide, et le rôle de l'Ouganda et du Rwanda, ainsi
que des groupes d'opposition. Il a compté que durant l'année
2000 sept conflits majeurs dans la région sans compter les
conflits interethniques ensanglantait simultanément la région.
On peut retrouver son exposé complet dans les minutes de sa
déposition sur le
site de la CPI
Arrêté par un enfant de 10 ans armé d'une
mitraillette
A partir de 1996, toutes les parties en conflit ont utilisé
des enfants soldats. Ougandais, Rwandais, toutes les différentes
armées et milices ont enrôlé des enfants, parfois
même en tenant des campagnes radio officielles de recrutement.
En 2000 (après l'invasion de l'Ituri par les armées
ougandaises) de nombreux enfants de la région ont été
déportés en Ouganda et au Rwanda, puis envoyés
combattre leur propre pays. Roberto Garreton explique avoir été
empêché de poursuivre son enquête sur le massacre
de 500 000 personnes perpétré en quatre jours par les
milices de Kabila (les Banyamulenges aidés par les milices
tutsies). Muni d'un laissez-passer signé de l'adjoint de Kabila,
il n'a néanmoins pas pu poursuivre sa route à bord d'une
jeep de l'ONU parce qu'un enfant de 10 ans armé d'une mitraillette
s'y est opposé.
"Il n'y a pas d'enfants soldats. Il n'y a que des soldats
de petite taille"
En 2000, alors que la région est tenue par J.P.
Bemba, "Il y avait des douzaines d'enfants soldats à
l'aéroport de Bunia" témoigne R. Garreton.
Lorsque le lendemain, il mentionne ce fait à JP Bemba, :"Hier,
à l'aéroport de Bunia, j'ai vu des enfants, vous ne
pouvez pas me dire qu'il n'y a pas d'enfants soldats" ce
dernier lui répond: "M. Garreton, ici, il y a des populations
où les enfants sont très petits, vous avez probablement
confondu ces gens. Il n'y a pas d'enfants soldats. Il y a des soldats
de petite taille." Puis, un peu plus tard "S'il y
a des enfants soldats, nous les démobiliserons"
A l'image de JP Bemba, les chefs de milices répondent : "Nous
n'utilisons pas d'enfants soldats, mais ils sont utiles car…"
Des campagnes de recrutements d'enfants soldats
En 1998 Kabila menait des campagnes de recrutement d'enfants à
la radio, seul média reçu par toute la population, pour
des "milices civiles" . Cette campagne a été
condamnée par la communauté internationale grâce
aux interventions de l'UNICEF et d'autres ONG. Mais les radios n'ont
jamais mentionné cette condamnation.
Les Maï-maïs ont recruté beaucoup d'enfants soldats,
soit en les enlevant dans les champs, soit grâce à leurs
parents. En l'absence d'une armée congolaise constituée,
les Maye-mayes étaient considérés par une grande
partie de la population comme les seuls défenseurs du pays
devant l'invasion rwandaise et ougandaise.
Le viol, est une pratique courante dans la région
Roberto Garreton a déclaré à la cour que
"les soldats étaient autorisés à faire tout
ce qu'ils voulaient" en RDC. "En 2005, un groupe
de 14 soldats aurait quitté leur caserne et violé 200
femmes". Il dit avoir entendu des témoignages comme
quoi l'Ouganda occupant de l'Ituri de 1999 à 2003 aurait envoyé
des soldats infecté du SIDA pour propager le virus chez les
femmes congolaises.
Il a expliqué que les premières victimes sont les civils
: "Dans la folie des guerres, les personnes tuées …
ont été des femmes, des enfants, des personnes âgées".
"Une balle finit toujours sa course".
Roberto Garreton a aussi expliqué en détail l'origine
des certains conflits inter-ethniques, notamment celui entre Hema
et Lendu.
Vendredi 19 juin
Un ancien soldat de l'UPC a raconté à la cour qu'il
avait été arrêté et emprisonné par
les milices de l'UPC au quartier général de Bunia.
"Nous étions enfermé dans des salles et le garde
était présent pour être sûr que nous ne
partirions pas ".
Ce témoin avait été entraîné militairement
dans un camp à Rwampala dirigés par des Ougandais, mais
était considéré comme un déserteur après
avoir apparemment quitté le groupe. Les gardes du corps de
ce camp l'ont arrêté et envoyé à Bunia
au quartier général de l'UPC. Il avait environ dix-sept
ans. Il a été gardé au QG de l'UPC deux jours
puis envoyé au camp d'entraînement de l'UPC à
Mandro. Ce témoin dit que les gens à cette époque
parlaient de l'UPC comme le 'groupe de Thomas' en référence
au chef Thomas Lubanga."Lorsque je suis entré dans
l'UPC, au début, on n'avait pas ce nom de l'UPC, on l'appelait
seulement "ce sont les militaires de Thomas ". À
ma connaissance, dans le premier jour, au début, l'UPC n'était
pas très connu, on avait l'habitude d'appeler le 'groupe de
Thomas' ".
Des mamans sont venues racheter leurs enfants au commandant du
camp
Le témoin qui a été formateur militaire dans
le camp près de Mandro, explique qu'il a vu par deux fois des
mères venir récupérer leurs enfants, contre argent
payé au commandant du camp. Il explique aussi que le groupe
de 80 recrues dont il avait la charge au début a vu ses effectifs
diminuer à cause des nombreuses désertions.
Apprentissage à coup de fouet
Le témoin explique que les recrues, quel que soit leur âge,
qui tentaient de s'échapper, ou celles qui ne faisaient pas
bien l'exercice demandé recevaient des coups de fouet sur les
fesses et sur les pieds. . Il confirme que dans les 80 recrues qu'il
avait à former il y avait des enfants de 14 - 15 ans
Le reste de la journée s'est déroulée à
huis clos
Suite du procès mardi 23 juin.
Note concernant la défection de certains témoins
:
Déjà le 28 janvier, un enfant soldat connu sous le
nom de Dieumerci s'était rétracté, puis était
retourné le 10 février devant la cour pour faire part
de son expérience d'enfant soldat. Les raisons de ce retournement
en étaient la peur de se voir inculper lors de son retour en
RDC et les craintes de voir Lubanga à l'audience. "Beaucoup
de choses me sont passées par la tête ce jour là.
Je me suis mis en colère et je n'étais pas en mesure
de témoigner", avait-il expliqué alors.