Mardi 26 mai
La plus grande partie de la journée a eu lieu
à huis clos ; le juge a tenu à réaffirmer la nécessité
de protéger la sécurité des témoins, comprenant
cependant que c'était particulièrement irritant pour le
public.
La séance a consisté dans le contre-interrogatoire d'un
ancien chef de la milice de l'UPC. Dans la partie publique, ce dernier
a nié avoir reçu l'ordre de démobiliser des enfants
soldats. Aux questions de la défense sur l'origine ethnique des
commandants de l'UPC et sur l'âge des enfants soldats, le témoin
a répondu à huis clos.
Mercredi 27 mai
Le témoin (anonyme) dit qu'il a voyagé
en Ituri et personnellement parlé aux dirigeants de l'UPC, y
compris Thomas Lubanga.
L'origine des armes des milices de l'UPC
Après l'Ouganda, l'UPC s'est fourni en armement
auprès du Rwanda. Thomas Lubanga a affirmé au témoin
: " L'Ouganda jouait à cache-cache", aussi l'UPC s'est
tourné vers le Rwanda. "L'Ouganda ne voulait pas fournir
ouvertement une quantité suffisante d'armement à l'UPC,
donc ils se sont tournés vers d'autres", a assuré
le témoin.
Des centaines d'enfants soldats dans les camps d'entraînement
de l'UPC
Le témoin se souvient avoir vu "des centaines"
d'enfants soldats entraînés dans les camps dirigés
par Bosco Ntaganda (qui est inculpé par la CPI, mais encore en
liberté).
L'Ouganda a commencé l'entraînement de Congolais en 1999
au camp de Rwampara en Ituri, quelques Congolais ont été
entraînés en Ouganda même. L'Ouganda entraînait
tous les groupes ethniques congolais dans ce camp. Ensuite, chaque groupe
a combattu pour son propre camp.
L'utilisation d'enfants soldats s'est poursuivie et
amplifié même après le départ de l'UPC de
Bunia.
En réponse à une question du procureur,
le témoin a affirmé : "Pour ce que je témoigne
... après le départ de l'UPC de Bunia, (l'utilisation
d'enfants soldats) s'est poursuivie sur une plus large échelle".
Il a ajouté : "Chaque fois que je suis allé au
quartier général de l'UPC, j'ai vu l'entraînement
d'enfants se poursuivre. Celui qui était à la tête
de l'entraînement de l'armée de Thomas Lubanga était
Bosco Ntaganda". Ce témoin a ajouté : "Je
n'ai aucun doute sur la véracité des informations qu'ils
m'ont données. J'ai croisé et vérifié toutes
les informations qui m'ont été données."
Jeudi 28 mai
Thomas Lubanga était bien le commandant en
chef
Le témoin a poursuivi sa déposition. Lubanga
était le ministre de la défense et le commandant en chef
de l'UPC. En tant que président de l'UPC, c'est lui qui s'est
nommé ministre de la défense. Après la prise de
Bunia, c'est lui qui a annoncé sur la radio locale la composition
de son gouvernement. Il n'y avait personne d'autre au-dessus de lui.
Des enfants soldats étaient présents
au quartier général où Lubanga avait son bureau
Des enfants soldats étaient parmi les "stagiaires"
au QG de l'UPC. Tous les visiteurs pouvaient les voir. "Tant
que les recrues étaient dans la cour, tous ceux qui venaient
au-delà des limites pour le public pouvaient voir ce qui se passait
dans les locaux de la cour intérieure".
Les parents envoyaient leurs enfants dans la milice de l’UPC,
pour chasser « les étrangers » [à l’ethnie
Hema] de l’Ituri. Les commandants de l’UPC pensaient que
de telles jeunes recrues faisaient de bons soldats et espions.
La punition d'un enfant soldat
A l'occasion d'une visite au QG, au bureau de Mr. A.,
le témoin vit un enfant soldat puni parce qu'il appelait sa mère
à l'extérieur. "Apparemment l'enfant était
en colère (et) il venait juste d'être puni. La réaction
de ceux qui étaient avec moi, spécialement Mr. A. et ses
collègues, fut de dire, "c'est bien, il devient un vrai
soldat." L'instructeur qui l'avait puni a dit que son attitude
n'était pas appropriée pour un soldat. "Cela m'a
particulièrement affecté", dit le témoin,
"Un enfant pleurant, appelant sa mère... Mr. A. et ses
collègues, eux ne ressentaient aucun remords, aucune pitié
pour cet enfant subissant cette punition".
La MONUC a bien visité le QG de l'UPC, mais ils
n'ont pas eu accès aux lieux d'entraînement. En revanche,
des officiers ougandais y étaient régulièrement.
Des enfants à partir de cinq ans ont été
recrutés ; après être passés dans le camp
d’entraînement, ils étaient envoyés dans les
rues pour vendre de l’eau ou des arachides et espionner.
Les massacres de membres des groupes ethniques Nande et Lendu
Le témoin a aussi raconté les massacres de membres des
groupes ethniques Nande et Lendu par les militants de l'UPC. Après
quelques uns de ces massacres, il demanda à Mr. A. d'intervenir
et lui fournit les noms des gens qu'il avait vu prendre part à
ceux-ci. Mr. A. promit une enquête et l'arrestation des auteurs.
"Mais c'était très difficile pour lui".
Concrètement, il n'y avait aucune volonté des dirigeants
de l'UPC de changer la situation. Leur idée était de chasser
tous les étrangers.
Vendredi 29 mai
Les enfants ramassés dans les rue de Bunia
Vendredi, le témoin a assuré que des enfants de 8 à
15 ans avaient été ramassés dans les rues de Bunia
et enrôlés dans les milices de l’UPC.
A la question du procureur au sujet d’enfants de moins de 14 ans,
pour des évènements s’étant passés
un jour précis, le témoin a répondu : «
Ce jour-là ils étaient cinq à être pris…
et ils avaient tous moins de 15 ans ». « D’après
ce que je sais, il n’y avait pas d’âge limite au recrutement
d’enfants dans les villages, ni nulle part ailleurs ». «
Ils prenaient n’importe qui, sans s’occuper ni de l’âge,
ni de l’état de santé ».
A une question du procureur, ce témoin a affirmé que les
enfants de 15 ans et plus jeunes représentaient au moins 30%
du nombre total des recrues à l’entraînement.
Les commandants de l’UPC préféraient les enfants
au combat parce qu’ils suivent les ordres. « Ils obéissent
aux ordres de leurs commandants et ils veulent imiter les héros
qu’ils voient dans les films ». « Ils sont plus déterminés
au combat ».
Les enfants de moins de 15 ans qui étaient blessés au
combat étaient souvent traités à Mulago, l’hôpital
de Kampala en Ouganda.
Le témoignage de cette personne qui dit qu’il était
très souvent en contact avec le commandement de l’UPC se
poursuivra mardi 2 juin.
Notes:
• Bunia est une des villes principales de l'Ituri.
• Rwampara se situe à 20 km au Sud-Est de Bunia.
• On peut voir une carte très détaillée de
l'Ituri sur le site http://www.rdc-humanitaire.net/IMG/pdf/District_d_Ituri_A0_19Dec07.pdf