Amnesty International France

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Le procès Lubanga

Lettre d'information n°9
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Semaine 14 (25 - 29 mai 2009)

Mardi 26 mai

La plus grande partie de la journée a eu lieu à huis clos ; le juge a tenu à réaffirmer la nécessité de protéger la sécurité des témoins, comprenant cependant que c'était particulièrement irritant pour le public.
La séance a consisté dans le contre-interrogatoire d'un ancien chef de la milice de l'UPC. Dans la partie publique, ce dernier a nié avoir reçu l'ordre de démobiliser des enfants soldats. Aux questions de la défense sur l'origine ethnique des commandants de l'UPC et sur l'âge des enfants soldats, le témoin a répondu à huis clos.

Mercredi 27 mai

Le témoin (anonyme) dit qu'il a voyagé en Ituri et personnellement parlé aux dirigeants de l'UPC, y compris Thomas Lubanga.

L'origine des armes des milices de l'UPC

Après l'Ouganda, l'UPC s'est fourni en armement auprès du Rwanda. Thomas Lubanga a affirmé au témoin : " L'Ouganda jouait à cache-cache", aussi l'UPC s'est tourné vers le Rwanda. "L'Ouganda ne voulait pas fournir ouvertement une quantité suffisante d'armement à l'UPC, donc ils se sont tournés vers d'autres", a assuré le témoin.

Des centaines d'enfants soldats dans les camps d'entraînement de l'UPC

Le témoin se souvient avoir vu "des centaines" d'enfants soldats entraînés dans les camps dirigés par Bosco Ntaganda (qui est inculpé par la CPI, mais encore en liberté).
L'Ouganda a commencé l'entraînement de Congolais en 1999 au camp de Rwampara en Ituri, quelques Congolais ont été entraînés en Ouganda même. L'Ouganda entraînait tous les groupes ethniques congolais dans ce camp. Ensuite, chaque groupe a combattu pour son propre camp.

L'utilisation d'enfants soldats s'est poursuivie et amplifié même après le départ de l'UPC de Bunia.

En réponse à une question du procureur, le témoin a affirmé : "Pour ce que je témoigne ... après le départ de l'UPC de Bunia, (l'utilisation d'enfants soldats) s'est poursuivie sur une plus large échelle". Il a ajouté : "Chaque fois que je suis allé au quartier général de l'UPC, j'ai vu l'entraînement d'enfants se poursuivre. Celui qui était à la tête de l'entraînement de l'armée de Thomas Lubanga était Bosco Ntaganda". Ce témoin a ajouté : "Je n'ai aucun doute sur la véracité des informations qu'ils m'ont données. J'ai croisé et vérifié toutes les informations qui m'ont été données."

Jeudi 28 mai

Thomas Lubanga était bien le commandant en chef

Le témoin a poursuivi sa déposition. Lubanga était le ministre de la défense et le commandant en chef de l'UPC. En tant que président de l'UPC, c'est lui qui s'est nommé ministre de la défense. Après la prise de Bunia, c'est lui qui a annoncé sur la radio locale la composition de son gouvernement. Il n'y avait personne d'autre au-dessus de lui.

Des enfants soldats étaient présents au quartier général où Lubanga avait son bureau

Des enfants soldats étaient parmi les "stagiaires" au QG de l'UPC. Tous les visiteurs pouvaient les voir. "Tant que les recrues étaient dans la cour, tous ceux qui venaient au-delà des limites pour le public pouvaient voir ce qui se passait dans les locaux de la cour intérieure".
Les parents envoyaient leurs enfants dans la milice de l’UPC, pour chasser « les étrangers » [à l’ethnie Hema] de l’Ituri. Les commandants de l’UPC pensaient que de telles jeunes recrues faisaient de bons soldats et espions.

La punition d'un enfant soldat

A l'occasion d'une visite au QG, au bureau de Mr. A., le témoin vit un enfant soldat puni parce qu'il appelait sa mère à l'extérieur. "Apparemment l'enfant était en colère (et) il venait juste d'être puni. La réaction de ceux qui étaient avec moi, spécialement Mr. A. et ses collègues, fut de dire, "c'est bien, il devient un vrai soldat." L'instructeur qui l'avait puni a dit que son attitude n'était pas appropriée pour un soldat. "Cela m'a particulièrement affecté", dit le témoin, "Un enfant pleurant, appelant sa mère... Mr. A. et ses collègues, eux ne ressentaient aucun remords, aucune pitié pour cet enfant subissant cette punition".

La MONUC a bien visité le QG de l'UPC, mais ils n'ont pas eu accès aux lieux d'entraînement. En revanche, des officiers ougandais y étaient régulièrement.

Des enfants à partir de cinq ans ont été recrutés ; après être passés dans le camp d’entraînement, ils étaient envoyés dans les rues pour vendre de l’eau ou des arachides et espionner.

Les massacres de membres des groupes ethniques Nande et Lendu

Le témoin a aussi raconté les massacres de membres des groupes ethniques Nande et Lendu par les militants de l'UPC. Après quelques uns de ces massacres, il demanda à Mr. A. d'intervenir et lui fournit les noms des gens qu'il avait vu prendre part à ceux-ci. Mr. A. promit une enquête et l'arrestation des auteurs. "Mais c'était très difficile pour lui". Concrètement, il n'y avait aucune volonté des dirigeants de l'UPC de changer la situation. Leur idée était de chasser tous les étrangers.

Vendredi 29 mai

Les enfants ramassés dans les rue de Bunia

Vendredi, le témoin a assuré que des enfants de 8 à 15 ans avaient été ramassés dans les rues de Bunia et enrôlés dans les milices de l’UPC.
A la question du procureur au sujet d’enfants de moins de 14 ans, pour des évènements s’étant passés un jour précis, le témoin a répondu : « Ce jour-là ils étaient cinq à être pris… et ils avaient tous moins de 15 ans ». « D’après ce que je sais, il n’y avait pas d’âge limite au recrutement d’enfants dans les villages, ni nulle part ailleurs ». « Ils prenaient n’importe qui, sans s’occuper ni de l’âge, ni de l’état de santé ».
A une question du procureur, ce témoin a affirmé que les enfants de 15 ans et plus jeunes représentaient au moins 30% du nombre total des recrues à l’entraînement.
Les commandants de l’UPC préféraient les enfants au combat parce qu’ils suivent les ordres. « Ils obéissent aux ordres de leurs commandants et ils veulent imiter les héros qu’ils voient dans les films ». « Ils sont plus déterminés au combat ».
Les enfants de moins de 15 ans qui étaient blessés au combat étaient souvent traités à Mulago, l’hôpital de Kampala en Ouganda.

Le témoignage de cette personne qui dit qu’il était très souvent en contact avec le commandement de l’UPC se poursuivra mardi 2 juin.

Notes:

• Bunia est une des villes principales de l'Ituri.
• Rwampara se situe à 20 km au Sud-Est de Bunia.
• On peut voir une carte très détaillée de l'Ituri sur le site http://www.rdc-humanitaire.net/IMG/pdf/District_d_Ituri_A0_19Dec07.pdf

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"