Résumé de la onzième semaine du
procès de Thomas Lubanga
6 - 10 avril 2009
Cette semaine a été dominée par le témoignage
le mardi 7 avril de la psychologue Elisabeth Schauer.
Cette dernière, avec les outils de la recherche scientifique
a analysé plus de 1 100 enfants dans les camps de réfugiés
en Ouganda.
Les guerres actuelles
Elle a d’abord rappelé les caractéristiques des
guerres actuelles. « Les victimes civiles représentent
80% des victimes », « Dans ce genre de conflit, il n’y
a pas de différence entre la guerre et la paix. Il n’y
a pas de déclaration de guerre, il n’y a pas non plus de
déclaration de fin de guerre ou de capitulation avec, dès
lors, une frontière très floue entre soldats et civils
». « Au cours des 20 dernières années, nous
constatons que, de plus en plus, il y a des traumatismes imposés
à la population de manière délibérée.
Les forces irrégulières et le recrutement forcé
sont des caractéristiques de ces nouvelles guerres »
Les enfants soldats
Concernant les enfants soldats : « Ce qu’on a tendance
à ne pas savoir, c’est que 40% de ces soldats sont des
filles. Et là où il y a des conflits, on constate parfois
presque 50% des enfants de la région sont recrutés quelques
fois pour quelques heures, ou pour dix ans. Et certaines de ces armées
sont constituées d’enfants à 80%, rares ou à
peine 20% sont des soldats de plus de 18 ans ou des professionnels ».
Pourquoi recrute-t-on des enfants ?
E. Schauer cite quelques raisons : « Surpopulation, grand
nombre d’adolescents, (plus que d’adultes). Les enfants
ont la volonté de se battre, ils n’ont pas peur, il y aura
moins de suspicion, ils n’auront pas peur d’apporter des
mines anti personnelles sur certains points clés, ils sont meilleur
marché, plus faciles à recruter, plus faciles à
garder dans les rangs, plus faciles à garder sous contrôle,
on leur impose plus facilement une discipline, il n’ont pas eu
le temps d’élaborer une idéologie, ils sont plus
facile à endoctriner et ils ont une capacité particulièrement
faible à estimer le danger».
Les conséquences psychiatriques
Mais principalement E. Schauer parle des troubles du stress post traumatique
(TSPT). Troubles qui apparaissent quelques semaines après que
les sujets aient été soumis à des traumatismes
importants : bombardements, risque d’être tué, voir
un ami tué à coté de soi, avoir tué quelqu’un,
avoir été violée, avoir eu peur pour sa vie, etc.
Ce sont des traumatismes qui provoquent des transformations définitives
dans les profondeurs du cerveau. On ne s’en débarrasse
jamais, ils vous suivront toute votre vie. Elle décrit les «
réseaux de peur » qui s’installent dans le cerveau,
et qui provoqueront des troubles psychiatriques chez le sujet : grande
irritabilité, violences, insomnies, insociabilité, et
chez les enfants perte des facultés de mémorisation, impossibilités
de se concentrer. «Les conséquences en cela sont bien
connues; les enfants avec le TSPT ont une mémoire à court
terme qui est différente. Ils ne réussissent pas aussi
bien les tests cognitifs, ils n'ont pas d'aussi bons résultats
scolaires et en particulier dans la partie du cerveau qui est nécessaire
pour les langues». Mais « un enfants soldat a pu subir
26 à 30 traumatismes de nature à produire des TSPT ».
Ils n’ont plus confiance en personne, ils vivent toujours dans
la peur. «Les enfants qui ont été soldats pendant
plus d'un mois: 40% de TSPT, 19% de dépression co-morbideet un
taux de suicide de 37%».
Que penser alors des témoignages des anciens enfants soldats?
Le problème est alors posé de la « vérité
» des témoignages des anciens enfants soldats. E. Schauer
insiste sur le fait que la mémoire des traumatismes est globale,
toutes les sensations sont enregistrées dans le cerveau profond
: bruits, odeurs, saveurs, douleurs, rythme cardiaque etc. et que les
différents traumatismes ainsi « se mélangent ».
On ne peut demander à un ancien enfant soldat de remettre les
évènements dans un ordre chronologique. De plus l’évocation
des évènements réveille le réseau de peur,
ce que le témoin désire éviter. Il faut qu’il
soit en totale confiance, sûr qu’il ne sera pas puni pour
accepter d’évoquer ces évènements. A cela
s’ajoute chez certains la croyance que l’esprit des personnes
qu’ils ont tuées les hante, ou que l’esprit de leur
commandant les poursuivra s’ils témoignent contre lui.
Les débats reprendront le 5 mai prochain