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juillet 2012 : Thomas Lubanga condamné à 14 ans de prison
13 juin : Audience pour la fixation de la
peine. 10 juillet: prononcé de la peine
Audience du 13 juin 2012, le procureur demande une peine
de 30 ans
Le procureur Moreno O Campo a requis une peine très sévère
contre Thomas Lubanga, reconnu coupable le 14 mars dernier par la
première chambre de la Cour Pénale Internationale d’enrôlement
et de conscription d’enfants de moins de quinze ans, et coupable
de les avoir utilisé au cours des hostilités.
Le 13 juin avait lieu une audience pour fixer la peine. Le Procureur,
le représentant des victimes, les avocats de Thomas Lubanga
et l’accusé lui-même plaidaient une dernière
fois pour fixer la peine, sans remettre en cause la déclaration
de culpabilité.
Selon le procureur la gravité des crimes exige la
gravité de la peine.
Des circonstances aggravantes
L’accusation considère en outre qu’il existe quatre
circonstances aggravantes :
- « Thomas Lubanga est responsable au premier chef des actions
de l’UPC (Union des patriotes congolais). Il était le
chef suprême, il a approuvé et supervisé le plan
commun. Personne n’était en position de refuser ses ordres
dans la milice…
- Le recrutement par Thomas Lubanga comportait des traitements particulièrement
cruels. […] Les enfants étaient entraînés
par la terreur. Ils ont été formés à tuer
et à violer. […] Ceux qui ne sont pas morts au combat
souffrent d’atteintes physiques ou de traumatismes psychologiques
durables…
- L’utilisation de filles soldats en tant qu’esclaves
sexuelles faisait partie intégrante de leur recrutement. Dans
les camps d’entraînement les filles étaient quotidiennement
victimes de viols commis par les commandants et les soldats…
- Les victimes ont systématiquement établi que le déficit
d’instruction constituait leur réalité immédiate.
[…]Des familles n’ont pas envoyé leurs enfants
à l’école de peur qu’ils soient recrutés.
Les crimes de Thomas Lubanga ont affecté le système
éducatif dans son ensemble.
Aucune circonstance atténuante
Selon le procureur, Thomas Lubanga « … a tenté
de tromper et d’apaiser la communauté internationale.
Il a prétendu avoir démobilisé les enfants soldats
puis s’est rendu à Rwampara pour encourager le recrutement
d’enfants. »
Dernière chance pour atténuer la peine
Si Thomas Lubanga exprimait des remords authentiques, […] s’il
essayait de réparer les préjudices qu’il a causé
à l’ensemble des communautés touchées […]
s’il souhaite réellement s’engager pour prévenir
de nouveaux crimes, l’Accusation est prête à recommander
une réduction de peine à 20 ans.
Le représentant des victimes demande que soit prise
en compte la gravité des faits.
Rappelant, pour les nier les arguments de la défense, Luc Welleym,
représentant légal des victimes a déclaré
que : « Prononcer une peine, c’est juger de la gravité
des faits, avant de prendre en compte la condition de celui qui les
a commis. »
Maître Bapita, l’autre avocat des victimes a déclaré
avoir cherché vainement des circonstances atténuantes.
La défense a d’abord rappelé les fautes
des procureurs.
Mais son argumentation principale pour diminuer la peine de l’accusé
a été axée sur le nombre d’enfants soldats
recrutés par l’UPC. Elle s’est appuyée sur
l’incertitude de la détermination de l’âge
des « prétendus enfants soldat », sur le fait que
certains témoins avaient été coachés par
des intermédiaires, et que des témoignages étaient
sujet à caution. Maitre Mabille, l’avocate de la défense
a rappelé que selon elle le Procureur n’avait pas d’éléments
de preuves pour étayer son accusation, et qu’il ne pouvait
pas demander une aggravation de la peine pour crimes sexuels alors
qu’aucune accusation n’était fondée sur
ce thème.
Maitre Biju-Duval, autre avocat de la défense a développé
l’argument de la nécessité de faire face pour
Thomas Lubanga à une situation où les populations Hema
étaient victimes de tentatives d’extermination. Le juge
Fulford lui fait remarquer qu’il ne s’appuyait pas alors
lui, sur des éléments de preuves.
Enfin, l’avocat a argumenté que s’il fallait prononcer
une peine pour lutter contre l’impunité, alors il faut
mettre en accusation messieurs Kabila (président de la RDC)
Museveni (président de l’Ouganda) et Kagame (président
du Rwanda) qui ont été les fauteurs de guerre en Ituri.
« Comment, dans ces conditions, empêcher qu’en apprenant
la peine prononcée contre Thomas Lubanga, les communautés
victimes de ces atrocités ne s’écrient : «
Ce n’est pas juste, ce n’est pas juste. Ceux qui ont organisé
le chaos et en ont profité sont épargnés, celui
qui a souffert parmi nous est condamné »
C’est comme un boulet dans la figure.
Thomas Lubanga, devant le tribunal déclare ne pas se reconnaître
dans la description que fait de lui le procureur. « …
c’est comme un boulet dans la figure que j’ai reçu
votre jugement du 14 mars sur lequel va reposer la sentence. J’en
suis profondément bouleversé. Je suis consterné
de constater que trois ans de procès n’ont pas suffi
à démasquer toutes les exagérations, tous les
mensonges, toutes les caricatures. »
Il a rappelé que sur une armée de 8 000 hommes, le Procureur
n’a pas pu présenter un seul enfant de moins de quinze
ans qui y ait été recruté par lui. S’il
ne nie pas qu’il y ait pu en avoir dans les troupes du FPLC,
ils étaient probablement très peu nombreux.
Il ne faudrait pas oublier Joseph Kabila.
Thomas Lubanga répète qu’il s’est toujours
opposé au recrutement d’enfants de moins de quinze ans,
ce qui n’est pas je cas du président de RDC Joseph Kabila
qui fête chaque années, le 15 mai la fête nationale
en l’honneur des Kadogos (les enfants soldats) qui ont renversé
M. Mobutu. « Moi, Messieurs les juges, jamais je n’ai
accepté ou toléré que de tels enrôlements
aient lieu. »
Je suis un homme de paix.
Dans la suite de sa déclaration, Thomas Lubanga a rappelé
la situation catastrophique dans laquelle se trouvait l’Ituri
dans les années 2000. Massacres en série, villages pillés
cadavres jonchant les routes. Ce sont, selon lui ces massacres qui
ont envoyé des milliers de jeunes gens au centre de formation
de Mandro. Il nie avoir commandé depuis sa prison de Kinshasa
au chef Kahwa d’acheter des armes au Rwanda, d’avoir donné
l’interim à Lonema.
« J’ai accepté d’assumer des responsabilités
ni pour le pouvoir, ni pour l’argent, mais pour la paix. »
Il a conclu sa déclaration en souhaitant : « …
que cette paix que j’ai tant désiré s’installe
de manière définitive en Ituri ».
Le
10 juillet, le tribunal prononce une peine de 14 ans de prison
Dans l’attendu, les juge Adrian Fulford, Elizabeth Odio Benito,
et René Blattmann rappelle que Thomas Lubanga avait été
reconnu le 14 mars dernier coupable de recrutement, de conscription
et d’utilisation d’enfants soldats. Ils reconnaissent
la gravité des crimes et les conséquences sur les victimes.
Cependant ils justifient leur décision par le degré
d’implication de Lubanga dans les conduites de l’UPC,
et refusent les circonstances aggravantes pour esclavage sexuel, torture
et traitements inhumains, considérant qu’on ne peut pas
lui attribuer personnellement. Ils décrivent Thomas Lubanga
comme un être intelligeant et instruit. Ils prennent en considération
l’attitude coopérative de l’accusé durant
le procès. A la demande d’une peine de 30 ans du procureur,
les juges ont estimés que cette peine était inappropriée
dans ce cas.
Ayant déjà accompli plus de six ans de détention,
il reste à Thomas Lubanga huit années à purger
dans la prison de Sheverringen.
Pour en savoir plus
Compte-rendu rédigé à partir des
notes prises par Judith
Armatta
La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population
sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/