Mercredi 14 mars 2012
Thomas Lubanga est déclaré coupable par la Cour Pénale
Internationale
Résumé du verdict prononcé par la
Cour
Le juge a rappelé les charges portées contre
l’accusé
Thomas Lubanga serait responsable comme co-auteur des chefs d’enrôlement
et de conscription d’enfants de moins de quinze ans dans les
Forces Patriotiques de Libération du Congo (FPLC) et du fait
de les avoir fait participer activement à des hostilités,
de début septembre 2002 au 2 juin 2003, puis du 2 juin au 13
août 2003. Il a ensuite rappelé que la Cour s’est
assurée comme compétente et que c’est le chef
d’Etat congolais Joseph Kabila qui a renvoyé, en 2004,
au procureur de la CPI, la situation en RDC.
Une procédure longue et à rebondissements
Le juge Fulford a ensuite effectué un bref rappel de la procédure.
Deux suspensions liées à des problèmes de communication
de pièces de la part de l’accusation, 13 juin –
18 novembre 2008, puis 8 juillet – 25 octobre 2010.
Janvier 2009 : début du procès et présentation
des témoins de l’accusation, jusqu’en juillet 2009.
Septembre 2009 : étude d’une demande de requalification
des charges par les représentants des victimes
Décembre 2009 : rejet de cette demande
Janvier 2010 : présentation des témoins de la défense
; celle-ci, dans un premier volet, met en question les témoignages
de l’accusation et dépose en décembre 2010 une
requête demandant l’arrêt définitif de la
procédure.
Février 2011 : rejet de cette requête. La défense
poursuit la présentation de ses témoins.
20 mai 2011 : fin de la présentation des témoins de
la défense.
25 – 26 août 2011 : plaidoiries des procureurs, des représentants
des victimes et enfin des avocats de la défense.
Au total, la Cour a entendu 67 témoins, 36 pour l’accusation
dont 3 experts, 24 pour la défense, 3 pour les victimes, la
cour ayant appelée elle-même 4 experts. 204 jours d’audience,
1 373 pièces au dossier, 275 ordonnances écrites, 347
décisions orales.
Thomas Lubanga est bien le fondateur de l’UPC
En évoquant le contexte, le juge a rappelé que Thomas
Lubanga a été le fondateur de l’Union des Patriotes
Congolais (UPC) le 15 septembre 2000 et qu’il en est resté
le président. L’UPC et sa force armée le Front
de Patriote pour la Libération du Congo (FPLC) ont pris le
pouvoir en Ituri en septembre 2002.
Dans la suite de l’énoncé du verdict, il
sera toujours fait mention de « l’UPC/FPLC » sans
séparation entre la branche politique et la branche militaire.
La querelle des intermédiaires.
Les intermédiaires sont des personnes utilisées par
les procureurs pour enquêter sur le terrain et trouver des témoins.
Beaucoup de temps a été occupé à résoudre
la question des intermédiaires utilisés par l’accusation.
« La Chambre est d’avis que l’Accusation n’aurait
pas dû déléguer aux intermédiaires ses
responsabilités en matière d’enquête …
quels que fussent les nombreux problèmes auxquels elle devait
faire face. Ce procès a vu la comparution d’une série
de personnes dont le témoignage ne saurait servir de base fiable
au jugement en raison du fait que trois principaux intermédiaires
ont agi sans supervision ».
Ainsi, la Chambre a retiré à six personnes, qui avaient
la double qualité de victime et de témoin, le droit
de participer au procès. « De même la Chambre
ne s’est pas fondée sur le témoignage des trois
victimes qui ont déposé à l’audience, car
les récits qu’elles ont livrés n’ont pas
été jugés digne de foi. »
Qu’est-ce qu’un enfant soldat ?
La Chambre a ensuite définit ce qu’est un enfant
engagé activement dans un conflit armé. Rappelant qu’il
ne s’agissait pas seulement d’un enfant engagé
sur la ligne de front, mais aussi dans une multitude de rôles
d’appui aux combattants. « L’enfant en question
constitue, à tout le moins une cible potentielle. Par conséquent,
pour décider si un rôle indirect doit être considéré
comme une participation active aux hostilités, il est crucial
de déterminer si l’appui apporté par l’enfant
aux combattants l’a exposé à un danger réel
faisant de lui une cible potentielle ».
L’UPC/FPLC était un groupe armé qui a
enrôlé des enfants soldats
La chambre constate qu’entre le 1er septembre 2002 et le 13
août 2003 « des enfants de moins de quinze ans ont
été recrutés, volontairement ou de force au sein
de l’UPC/FPLC, puis envoyés soit au quartier général
à Bunia, soit à ses camps de formation militaire, sis,
entre autres, à Rwanpara, Mandro et Mongbwalu »
Bien que ces violences ne fassent pas partie des charges contre l’accusé,
la Chambre mentionne qu’en plus des conditions très dures
qui régnaient dans ces camps, des filles soldats de moins de
quinze ans ont été victimes de violence sexuelles commises
par les chefs militaires de l’UPC/FPLC .
Et les a fait combattre
« Les éléments de preuve montrent que les
enfants ont été déployés en tant que soldats
à Bunia, Tchomia, Kasenyi, Bogoro et ailleurs et ont participé
aux combats, notamment à Kobu, Songolo et Mongbwalu. Il a été
prouvé que l’UPC/FPLC a utilisé des enfants de
moins de quinze ans comme gardes militaires. Les éléments
de preuve révèlent qu’une unité dits des
« kadogos » a été formée avec des
effectifs principalement âgés de moins de quinze ans.
»
Thomas Lubanga utilisait des enfants comme gardes du corps
Ainsi que d’autres commandants de l’UPC/FPLC, Thomas Lubanga,
comme le montrent les vidéos versées au dossier, utilisait
des enfants de moins de quinze ans comme gardes du corps ou dans la
garde présidentielle.
Thomas Lubanga est responsable individuellement
Selon la Cour : « Les éléments de preuve confirment
que l’accusé a convenu avec ses co-auteurs d’un
plan commun et qu’ils ont participé à la mise
en œuvre de ce plan pour mettre sur pied une armée dans
le but de prendre et conserver le contrôle de l’Ituri….
Dans le cours normal des évènements, ce plan a eu pour
conséquence la conscription et l’enrôlement de
garçons et de filles de moins de quinze ans et leur utilisation
pour les faire participer activement aux hostilités ».
La Cour nomme les co-auteurs : Floribert Kissembo, Bosco N’Taganda
(recherché par la CPI), chef Kahwa, chef Tchaligonza, Bagonza
et Kasangaki. Même lorsque Thomas Lubanga était en détention
à Kinshasa, il a conservé le contrôle de l’organisation
en déléguant certains de ces co-auteurs pour la recherche
d’armes au Rwanda et le recrutement et la formation d’enfants
de moins de quinze ans.
La cour a affirmé sa responsabilité dans la prise de
Bunia, et son autorité sur l’UPC/FPLC. Il a nommé
ces personnes à des postes de responsabilité.
Recrutement d’enfants à grande échelle
La Chambre a constaté qu’entre septembre 2002 et août
2003, l’UPC/FPLC avait mené à grande échelle
une campagne visant à recruter des jeunes, dont des enfants
de moins de quinze ans volontairement ou par la contrainte.
Thomas Lubanga était bien le chef politique et militaire
La Chambre énonce que des éléments de preuve
« … montrent qu’il exerçait en même
temps le commandement en chef de l’armée et sa direction
politique. Il assurait la coordination globale des activités
de l’UPC/FPLC, il était en permanence tenu informé
de la substance des opérations menées par le FPLC, il
participait à la planification des opérations militaires
et tenait un rôle crucial en matière d’appui logistique,
notamment en ce qui concerne la fourniture d’armes, de munitions,
de nourriture, d’uniforme, de rations militaires …
»
La Cour rappelle son rôle dans le recrutement des enfants. Elle
rappelle entre autre son allocution prononcée au camp de Rwampara
où il y a encouragé des enfants à rejoindre les
rangs de l’armée et à assurer la sécurité
de la population à l’issue de leur formation militaire.
« Il a en outre personnellement utilisé des enfants
de moins de quinze ans comme garde du corps et voyait régulièrement
de tels enfants assurer la garde d’autres membres de l’UPC/FPLC
»
La Chambre est convaincue, au-delà de tout doute raisonnable
que Thomas Lubanga a agi avec l’intention et la connaissance
requise pour que les charges soient considérées comme
prouvées.
Coupable
« L’accusation a prouvé, au-delà de
tout doute raisonnable, que Thomas Lubanga Dyilo est coupable des
crimes d’enrôlement et de conscription d’enfants
de moins de quinze ans dans les FPLC, et du fait de les avoir fait
participer activement à des hostilités, …, de
début septembre 2002 au 13 août 2003 »
Compte-rendu rédigé à partir du texte du verdict
Le texte
intégral du verdict (13 pages) est téléchargeable
à :
http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1380087.pdf
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