Le
procès Lubanga touche à sa fin
25 août. Les plaidoiries des avocats de la défense
Le 24 août dernier, les procureurs et les avocats des victimes
ont demandé aux juges de reconnaître Thomas Lubanga coupable
de crimes de guerre pour l’enrôlement, la conscription et
l’utilisation d’enfants soldats. Une des avocates des victimes
a demandé que l’esclavage sexuel soit pris comme circonstance
aggravante dans l’estimation de la peine, si la culpabilité
du prévenu était décidée. Le vendredi 25,
les avocats de la défense ont présenté leurs conclusions.
Les juges vont se retirer en vue de prononcer un jugement final.
Selon les avocats de la défense, les accusations des
procureurs ne sont pas prouvées
Durant deux heures les deux avocats de la défense ont argumenté
pour convaincre les juges d’acquitter M. Lubanga pour faute de
preuves et pour des raisons formelles et juridiques.
Catherine Mabille, l’avocate principale de M. Lubanga a rappelé
que cinq ans et demi de procédure n’était pas un
« délai raisonnable » et que la procédure
avait été entachée de « graves dysfonctionnements
» de la part des procureurs.
Elle a aussi maintenu que la question posée était de «
savoir si les preuves correspondaient aux charges », et a répondu
négativement à celle-ci, en faisant valoir que les preuves
n’étaient pas valables.
La fiabilité des témoins mise en cause
Mme Mabille a insisté sur le fait que selon elle, les témoins
à charge, neuf anciens enfants soldats présumés,
avaient menti à la Cour, arguant que huit d’entre eux n’avaient
jamais servi dans la milice du FPLC, le bras militaire de l’UPC,
et que le neuvième aurait menti sur son âge et n’aurait
rejoint le FPLC qu’en 2003. Elle explique que cette situation
peut être due à la possibilité de gagner un certain
avantage comme une aide financière ou une aide à l’éducation
ou même une réinstallation dans un autre lieu organisée
par la Cour. Elle a aussi argué que ces témoins avaient
été coachés par les intermédiaires dans
la fabrication des témoignages et rappelé la motion pour
abus de procédure présentée par la défense.
La défense accuse les procureurs d’incompétence
Mme Mabille n’accuse pas les procureurs d’avoir intentionnellement
encouragé les faux témoignages, mais elle a insisté
sur le fait que le gouvernement congolais avait aidé l’accusation
à identifier les témoins et s’est interrogée
sur comment M. Lubanga pourrait avoir un procès équitable
alors que des intermédiaires étaient en même temps
des agents de M. Kabila, actuel président de la RDC.
Elle a accusé les procureurs d’incompétence, relevant
que le procureur général avait avoué que le bureau
des procureurs n’avait même pas vérifié l’âge
des témoins. Elle a rappelé que les procureurs devaient
enquêter autant à charge qu’à décharge.
Selon elle les témoins étaient tous plus âgés
qu’ils ne le prétendaient, ce qui vide les éléments
de preuve présentés par l’accusation.
Elle en a conclu que l’accusation « ne peut pas sérieusement
prétendre avoir prouvé » la culpabilité de
Thomas Lubanga.
Thomas Lubanga est-il responsable du recrutement d’enfants
soldats ?
Maitre Biju-Duval, l’autre défenseur de Thomas Lubanga
s’est insurgé contre l’affirmation que ce dernier
était individuellement responsable, comme co-auteur. Il a rappelé
que c’était Floribert Kissembo et Bosco N’Taganda
(ce dernier étant actuellement recherché par la CPI) qui
organisaient les forces armées du FPLC avant que M. Lubanga n’ait
été nommé président de l’UPC. Thomas
Lubanga n’aurait joué qu’un rôle de représentation
politique. Il n’était commandant en chef de l’UPC
qu’en vertu des statuts de cette organisation, et il n’avait
ni le contrôle ni le pouvoir effectif sur celle-ci.
Copie de courriers envoyés par Thomas Lubanga aux chefs militaires
à l’appui, il a enfin cherché à établir
que les efforts de Thomas Lubanga pour démobiliser les enfants
soldats étaient sincères et qu’il regrettait qu’ils
n’aient pas été suivis d’effet.
Intervention finale de Thomas Lubanga
L’accusé a lu un court texte, où il affirme que
s’il a pris la tête de l’UPC en Ituri à cette
époque, c’était « dans le seul but de protéger
ce qui est le plus cher à tout homme, à savoir la vie
». Il a fait ainsi écho au portrait que son avocat a tracé
de lui, non comme un criminel de guerre mais comme un homme qui s’est
soulevé pour défendre un peuple opprimé.
Il a déclaré qu’il ne s’était pas reconnu
dans le portrait tracé par l’accusation.
Contrairement à d’autres accusés en procès
devant la CPI, il a gardé tout au long des audiences une attitude
respectueuse. « Je m’en remets à la sagesse de votre
auguste tribunal » a-t-il déclaré.
Délibération dans un délai raisonnable
Le juge Adrian Fulford a conclu la journée en précisant
que les juges devront délibérer et annoncer la sentence
en audience publique dans un délai raisonnable.
Compte-rendu rédigé à partir des minutes du procès
par Ph. Brizemur
Amnesty International France Commission enfants
|