Amnesty International France

Commission Enfants


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Procès de Thomas Lubanga devant la Cour Pénale Internationale
Lettre d’information n° 46-2
août – septembre 2011
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Conclusions finales des représentants des victimes

Durant deux heures, les six représentants des victimes ont rappelé leurs préoccupations essentielles : l’établissement de la vérité, c'est-à-dire l’identification, la condamnation et la punition de ceux qui leur ont fait du tort. Ils ont rappelé les traumatismes subis et ont exhorté la Cour à ne pas se prononcer en faveur de l’impunité.

L’indépendance des victimes par rapport aux procureurs
Maître Massida a insisté sur le fait que les victimes n’étaient pas des assistants des procureurs, mais avaient eu des initiatives propres. Elle a rappelé aussi que selon les représentants des victimes, l’accusé n’était pas seulement co-auteur, mais auteur direct des crimes qui lui étaient reprochés. Elle a décrit le parcours des enfants soldats : recrutés au sein des forces armées de l’UPC/FPLC, forcés à suivre une formation militaire dans les camps d’entraînement, mis au combat, forcés à utiliser leur arme, à tuer des « ennemis ». Ils sont souvent devenus « gardes du corps » de commandants. Les filles, en plus des activités « militaires » devenant esclaves sexuelles des commandants. Elle a évoqué les conséquences psychologiques et physiques désastreuses que subissent les anciens enfants soldats.
Mme Massida a aussi parlé longuement des pressions, des persécutions qu’ont eues à subir ces victimes de la part de leur famille et de leur communauté parce qu’elles acceptaient de témoigner devant la Cour, et elle a ainsi mis en cause la Défense dans le revirement « miraculeux » de la position de certaines d’entre elles.

Des écoles vidées à moitié
Un représentant des victimes, M. Paul Kabongo Tshibangu a présenté des rapports détaillés selon lesquels les écoles d’Ituri avaient été à demi vidées. S’appuyant sur des rapports de Human Right Watch, et sur les émissions de la radio de la MONUC, il a insisté sur le fait que les milices dont celle dirigée par Thomas Lubanga ont recruté en 2002-2003 des enfants de 7 à 17 ans. Les enlevant dans des écoles, sur des marchés, sur la route ou en demandant aux familles de « donner » leur enfant pour la défense. Mais c’est surtout en s’appuyant sur des témoignages de victimes de la conscription, qu’il a plaidé l’inculpation de l’accusé dans ce crime.

Des témoins fiables
M. Joseph Keta Orwinyo a insisté sur la fiabilité des témoignages. Il a démonté les arguments de la défense qui tentaient de décrédibiliser les dépositions des victimes/témoins et qui ont donné lieu à la suspension du procès en juillet-août 2010.
M. Mulenda a exposé les problèmes posés par l’absence d’état civil dans cette région de RDC, démontant ainsi les arguments de la défense qui conteste l’âge et le nom des victimes. Il a aussi rappelé les menaces reçues par les victimes qui ont accepté de venir témoigner devant la Cour. Il a conclu en rappelant que selon lui, « la guerre en Ituri n’a pas profité à la majorité de la population. Elle n’a pas non plus été organisée pour sauver des communautés. Au contraire, ce sont les ressources naturelles qui ont attiré les belligérants »

Les violences sexuelles
Mme Carine Bapita Buyangandu a proposé que bien que ne figurant pas dans les charges retenues, les sévices sexuels sur les filles soldats soient considérés comme « circonstances aggravantes ». Si l’accusé était reconnu coupable, il s’agirait de prendre en compte cette charge dans l’établissement de la peine.

En conclusion ; le portrait de Thomas Lubanga par un avocat des victimes
M. Walleyn a conclu les dépositions des avocats des victimes en faisant un portrait de l’accusé. Contrairement à ce que prétend la défense, Thomas Lubanga n’est en aucun cas un défenseur des droits de l’homme. Son mouvement, l’UPC n’a jamais eu le projet d’instaurer une démocratie. « Selon nombre d’observateurs internationaux, y compris ceux qui ont comparu devant cette Cour, les milices de l’accusé et d’autres seigneurs de guerre de l’Ituri n’ont en rien restauré l’ordre et protégé les civils. »
Selon M. Walleyn, l’accusé était un leader charismatique, un chef militaire. « Oui, les Kadogo étaient sous son charisme, ce qui a même pu créer des conflits de loyauté. »
Thomas Lubanga, en tant que chef de guerre est co-auteur des campagnes de recrutement d’enfants.

Les arguments de la défense ont été présentés vendredi 26 août (voir lettre 46-3)

Compte-rendu rédigé à partir des minutes du procès par Ph. Brizemur Amnesty International France, Commission enfants

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Le calendrier des audiences à la CPI: http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Hearing+Schedule/Upcoming+Hearings.htm On peut aussi suivre les retransmissions vidéo des auditions (lorsque celles-ci ne sont pas à huis clos)

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/  

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4