Témoignage du secrétaire de Bosco N’Taganda
et des deux derniers témoins
La défense de Thomas Lubanga a appelé à la
barre le secrétaire de Bosco N’Taganda, Pierre Zuto Munji.
Bosco N’Taganda était le chef de l’état-major
des FPLC, milice armée de l’UPC. Il est inculpé
par la CPI. Les mêmes charges que contre Thomas Lubanga sont
retenues contre lui, mais il est toujours en fuite.
Distinguer les milices d’auto-défense des FPLC
Le témoignage de M. Munji a été centré
sur les rapports entre les FPLC et les milices d’auto-défense
des villages Hemas. Ces dernières ont fait abondamment appel
à l’utilisation d’enfants. M. Munji a tenté
de montrer que Thomas Lubanga avait demandé à ce que
ces enfants soient démobilisés. Mais il a argué
que ces milices, au début n’étaient pas sous l’autorité
des FPLC et que leurs chaînes de commandement étaient
séparées. Il y aurait même eu des difficultés
au moment de demander la démobilisation des enfants.
Le camp d’entraînement de Mandro
En 2000, M. Munji a rejoint l'armée populaire congolaise (APC),
l'armée du groupe de Rassemblement congolais pour la démocratie-Mouvement
de libération (RCD-ML). Il quitte l'APC en 2002 en raison de
traitements inhumains. Il rejoint un peu plus tard un groupe d'autodéfense
dans la ville de Mandro. Son groupe s’est développé
par l'apport de gens fuyant leur village. Ils ont décidé
alors d’ouvrir le camp d’entraînement de Mandro.
Ce groupe devint l'embryon des FPLC. Mais il prétend que le
groupe est resté autonome.
Contrairement au témoin de la veille M. Katekpa, coordonateur
des milices d’auto-défense, M. Munji prétend qu’il
n’y avait pas d’enfant de moins de 15 ans dans les milices,
et dans les FPLC, s’il y avait des enfants de moins de 18 ansil
n’y en avait pas de moins de 15 ans.
Comme de nombreux autres témoins auparavant, il prétend
qu’il est toujours difficile de connaître l’âge
d’un enfant. « Certains jeunes sont vraiment grands et
c’est pourquoi certains individus finissent dans les camps d’entraînement
» a-t-il admis. Ces enfants étaient ensuite dispersés.
Mais M. Munji admet qu’il n’a pas visité les autres
camps d’entraînement des FPLC.
Durant la démobilisation, la mobilisation continue
Le procureur, M. Sachdeva lui a demandé comment il se faisait
qu'en même temps que l’on demandait la démobilisation
des enfants, Eric Mbabazi, dirigeant le département pour la
morale et la discipline d’octobre 2002 à 2003, recrutait
activement des enfants pour les FPLC. « Dire qu’il recrutait
des enfants, je ne peux pas répondre. Cependant je savais qu’il
essayait de rallier des jeunes pour les envoyer au centre d’entraînement
».
Le procureur met en avant des contradictions sur les dates de
nomination de M. Munji
Lors du contre-interrogatoire de M. Munji, le procureur s'est posé
la question de la volonté réelle de l'UPC de démobiliser
les enfants soldats. Il a rappelé que c'était après
des plaintes de l'ONU à l'UPC que la direction de celle-ci,
lors d'une réunion du 16 juin 2003 a envoyé un ordre
de démobilisation. Mais le procureur a suggéré
que cet ordre n'était pas destiné à être
mis en application. Le procès-verbal de cette réunion
laissait entendre que les informations provenant des FPLC n'étaient
pas fiables parce qu'elles étaient signées de M. Munji
comme chef du département de l'administration, alors qu'il
n'a été proposé à ce poste qu'en décembre.
Le témoin expliqua qu'il agissait en cette qualité en
juin après la défection de Floribert Kissembo. Le procureur
a rappelé que cette défection avait eu lieu en décembre.
Le témoin 5 et l'irritation du Juge Fulford
Il y a eu un entretien entre l'accusation et le témoin 5 afin
de permettre son contre-interrogatoire. Cet entretien s'est fait en
présence de la défense qui ne l'a pas interrogé.
Le témoin est rentré chez lui, l'accusation n'ayant
pas réclamé sa déposition publique. Le juge Fulford
a fait part de son mécontentement devant cette situation, ce
témoin paraissant capital pour savoir quelles ont été
les relations entre les milices d'auto-défense qui ont utilisé
des enfants et l'UPC.
Le juge a demandé à la défense et à l'accusation
de mener des recherches sur la mesure dans laquelle la question de
l'intégration des groupes d'autodéfense à l'UPC
a été abordée au cours du procès, ou si
elle est apparue récemment. En outre, il a demandé au
procureur de localiser ce témoin et de vérifier sa disponibilité
au cas où il pourrait être appelé à témoigner.
Le dernier témoin de la défense
La défense a appelé son dernier témoin, un agriculteur
et chef d'avenue à Bunia (capitale de l'Ituri). En tant que
chef d'avenue, il était chargé d'assurer la sécurité.
Il dit avoir fait tous les six mois le tour des ménages de
sa circonscription afin de vérifier les rumeurs sur les enfants
soldats. Il a déclaré :"Ils sont de ma circonscription
et ils n'ont jamais été enfants soldats". La liste
à laquelle il se réfère date de 2007.
Le procureur l'a interrogé sur les programmes de démobilisation
organisés pour les jeunes de son quartier. Il a admis l'existence
de ces séances de formation pour les jeunes démobilisés
mais insiste sur le fait qu'aucun d'entre eux avait moins de quinze
ans.
Le témoin a admis aussi qu'il n'avait jamais été
dans un camp d'entraînement et qu'il était possible que
de jeunes mineurs aient été dans des camps de formation
autres que celui de Mandro qui était près de son domicile.
La plupart de son témoignage s'est déroulé à
huis clos.
Le procureur Nicole Samson a fait remarquer que ce témoin avait
une dette vis-à-vis de l'UPC qui lui a permis de retrouver
son habitation alors qu'il avait fuit la ville entre 2002 et 2003.
Ce dernier a répondu que tout le monde était alors "heureux"
de la libération de la ville par l'UPC de Thomas Lubanga.
Pour en savoir plus
Compte-rendu rédigé à partir des
notes prises par Judith
Armatta
La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population
sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/