Amnesty International France

Commission Enfants


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Le procès Lubanga devant la cour pénale internationale

Lettre d'information n° 44

avril 2011

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Témoignage du secrétaire de Bosco N’Taganda et des deux derniers témoins

La défense de Thomas Lubanga a appelé à la barre le secrétaire de Bosco N’Taganda, Pierre Zuto Munji. Bosco N’Taganda était le chef de l’état-major des FPLC, milice armée de l’UPC. Il est inculpé par la CPI. Les mêmes charges que contre Thomas Lubanga sont retenues contre lui, mais il est toujours en fuite.

Distinguer les milices d’auto-défense des FPLC
Le témoignage de M. Munji a été centré sur les rapports entre les FPLC et les milices d’auto-défense des villages Hemas. Ces dernières ont fait abondamment appel à l’utilisation d’enfants. M. Munji a tenté de montrer que Thomas Lubanga avait demandé à ce que ces enfants soient démobilisés. Mais il a argué que ces milices, au début n’étaient pas sous l’autorité des FPLC et que leurs chaînes de commandement étaient séparées. Il y aurait même eu des difficultés au moment de demander la démobilisation des enfants.

Le camp d’entraînement de Mandro
En 2000, M. Munji a rejoint l'armée populaire congolaise (APC), l'armée du groupe de Rassemblement congolais pour la démocratie-Mouvement de libération (RCD-ML). Il quitte l'APC en 2002 en raison de traitements inhumains. Il rejoint un peu plus tard un groupe d'autodéfense dans la ville de Mandro. Son groupe s’est développé par l'apport de gens fuyant leur village. Ils ont décidé alors d’ouvrir le camp d’entraînement de Mandro. Ce groupe devint l'embryon des FPLC. Mais il prétend que le groupe est resté autonome.
Contrairement au témoin de la veille M. Katekpa, coordonateur des milices d’auto-défense, M. Munji prétend qu’il n’y avait pas d’enfant de moins de 15 ans dans les milices, et dans les FPLC, s’il y avait des enfants de moins de 18 ansil n’y en avait pas de moins de 15 ans.
Comme de nombreux autres témoins auparavant, il prétend qu’il est toujours difficile de connaître l’âge d’un enfant. « Certains jeunes sont vraiment grands et c’est pourquoi certains individus finissent dans les camps d’entraînement » a-t-il admis. Ces enfants étaient ensuite dispersés. Mais M. Munji admet qu’il n’a pas visité les autres camps d’entraînement des FPLC.

Durant la démobilisation, la mobilisation continue
Le procureur, M. Sachdeva lui a demandé comment il se faisait qu'en même temps que l’on demandait la démobilisation des enfants, Eric Mbabazi, dirigeant le département pour la morale et la discipline d’octobre 2002 à 2003, recrutait activement des enfants pour les FPLC. « Dire qu’il recrutait des enfants, je ne peux pas répondre. Cependant je savais qu’il essayait de rallier des jeunes pour les envoyer au centre d’entraînement ».

Le procureur met en avant des contradictions sur les dates de nomination de M. Munji
Lors du contre-interrogatoire de M. Munji, le procureur s'est posé la question de la volonté réelle de l'UPC de démobiliser les enfants soldats. Il a rappelé que c'était après des plaintes de l'ONU à l'UPC que la direction de celle-ci, lors d'une réunion du 16 juin 2003 a envoyé un ordre de démobilisation. Mais le procureur a suggéré que cet ordre n'était pas destiné à être mis en application. Le procès-verbal de cette réunion laissait entendre que les informations provenant des FPLC n'étaient pas fiables parce qu'elles étaient signées de M. Munji comme chef du département de l'administration, alors qu'il n'a été proposé à ce poste qu'en décembre. Le témoin expliqua qu'il agissait en cette qualité en juin après la défection de Floribert Kissembo. Le procureur a rappelé que cette défection avait eu lieu en décembre.

Le témoin 5 et l'irritation du Juge Fulford
Il y a eu un entretien entre l'accusation et le témoin 5 afin de permettre son contre-interrogatoire. Cet entretien s'est fait en présence de la défense qui ne l'a pas interrogé. Le témoin est rentré chez lui, l'accusation n'ayant pas réclamé sa déposition publique. Le juge Fulford a fait part de son mécontentement devant cette situation, ce témoin paraissant capital pour savoir quelles ont été les relations entre les milices d'auto-défense qui ont utilisé des enfants et l'UPC.
Le juge a demandé à la défense et à l'accusation de mener des recherches sur la mesure dans laquelle la question de l'intégration des groupes d'autodéfense à l'UPC a été abordée au cours du procès, ou si elle est apparue récemment. En outre, il a demandé au procureur de localiser ce témoin et de vérifier sa disponibilité au cas où il pourrait être appelé à témoigner.

Le dernier témoin de la défense
La défense a appelé son dernier témoin, un agriculteur et chef d'avenue à Bunia (capitale de l'Ituri). En tant que chef d'avenue, il était chargé d'assurer la sécurité. Il dit avoir fait tous les six mois le tour des ménages de sa circonscription afin de vérifier les rumeurs sur les enfants soldats. Il a déclaré :"Ils sont de ma circonscription et ils n'ont jamais été enfants soldats". La liste à laquelle il se réfère date de 2007.
Le procureur l'a interrogé sur les programmes de démobilisation organisés pour les jeunes de son quartier. Il a admis l'existence de ces séances de formation pour les jeunes démobilisés mais insiste sur le fait qu'aucun d'entre eux avait moins de quinze ans.
Le témoin a admis aussi qu'il n'avait jamais été dans un camp d'entraînement et qu'il était possible que de jeunes mineurs aient été dans des camps de formation autres que celui de Mandro qui était près de son domicile.
La plupart de son témoignage s'est déroulé à huis clos.
Le procureur Nicole Samson a fait remarquer que ce témoin avait une dette vis-à-vis de l'UPC qui lui a permis de retrouver son habitation alors qu'il avait fuit la ville entre 2002 et 2003. Ce dernier a répondu que tout le monde était alors "heureux" de la libération de la ville par l'UPC de Thomas Lubanga.

Pour en savoir plus

Compte-rendu rédigé à partir des notes prises par Judith Armatta

La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Le calendrier des audiences à la CPI: http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Hearing+Schedule/Upcoming+Hearings.htm On peut aussi suivre les retransmissions vidéo des auditions (lorsque celles-ci ne sont pas à huis clos)

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/  

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009