Amnesty International France

Commission Enfants


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Le procès Lubanga devant la cour pénale internationale

Lettre d'information n° 33

semaine: 14 - 18 juin2010

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La Défense examine attentivement les dépenses des enquêteurs

Le procès de Thomas Lubanga devant la CPI en est à son 18 ème mois. Thomas Lubanga est accusé de crime de guerre pour avoir enrôlé, conscrit et utilisé des enfants soldats durant la guerre qui a ensanglanté l'Ituri (Nord-Est de la RDC) en 2002 – 2003.
De janvier à juillet 2009 les procureurs ont présentés leurs témoins, dont sept anciens enfants soldats ayant servi dans les milices de l'Union des Patriotes Congolais ( UPC) dirigé par Thomas Lubanga. Les avocats représentants quatre-vingt dix victimes n'ont pas pu obtenir la requalification des charges par l'ajout d'inculpation d'esclavage sexuel et mauvais traitements qu'ils ont demandé en juillet 2009. Ils ont présenté en janvier 2010 trois témoins. La Défense présente ses témoins depuis fin janvier 2010. La stratégie de la Défense est de décrédibiliser les témoins des procureurs en tentant de montrer que les intermédiaires utilisés pour trouver des témoins anciens enfants soldats les ont guidés et leur ont demandés de mentir.

La déposition du coordonateur des intermédiaires

A la demande des juges, quatre intermédiaires devraient être entendus. La semaine du 14 au 18 juin a été consacrée à la déposition du coordonateur sur le terrain des intermédiaires. Celui-ci a témoigné avec des mesures de protection, telle que la voix et le visage déformé, et sans que l'on connaisse son nom. Il est toujours basé en RDC.
De même, plusieurs intermédiaires travaillent toujours en RDC, et il est nécessaire de garder un strict anonymat pour assurer leur sécurité, bien que la Défense réclame la levée de celui-ci.

A quoi servait l'argent
Lors de l'interrogatoire, la procureure Nicole Samson lui a demandé s'il lui arrivait de payer les intermédiaires et les témoins. Ce témoin a répondu que dans le cadre de son activité quotidienne, chaque fois qu'il fallait payer un intermédiaire ou un témoin, il en référait à La Haye, et si le paiement était approuvé, il le faisait. Tout paiement a donné lieu à une autorisation, tout est consigné dans les tableaux et registres de la CPI.
A la question précise concernant ce qui a été versé à un intermédiaire, appelé M. X, il a précisé que M. X a demandé de l'argent pour le transport. Il a bien vérifié auprès de ses collègues que c'était bien le montant exact nécessaire au voyage. Tout ce qui a été versé à M. X correspond à des frais de transports pour lui ou pour amener des enfants témoigner.

Les enfants ont-ils menti ?
Nicole Samson a demandé au coordonateur des intermédiaires, si à aucun moment, M. X lui aurait dit qu'il pensait ou savait que l'un des enfants que cet intermédiaire avait rencontré mentait lorsqu'il a dit avoir été enfant soldat.
"S'il m'avait dit une chose pareille, j'aurais réagit immédiatement. J'aurais informé mes supérieurs à La Haye que cet enfant qui m'a été envoyé, qui a été interrogé, n'avait jamais été enfant soldat ou avait menti".

Les intermédiaires connaissaient-ils les questions posées par les enquêteurs ?
"M. X n'a jamais vu le questionnaire. Il ne lui était pas destiné et je n'en ai pas discuté avec lui. Les questions étaient pour moi, j'ai rencontré les enfants, et je leur ai posé les question", a déclaré le témoin en ajoutant qu'après avoir interrogé les enfants, il ne parlait jamais avec M. X de ce que les enfants avaient dit. Il envoyait ses notes à ses supérieurs hiérarchiques à La Haye à la fin de chaque journée.

Le bureau du procureur n'a jamais promis de payer les témoins
Lors de la deuxième journée, le témoin a bien affirmé que l'on a jamais promit ou donné aux enfants qui ont témoigné d'incitation financière pour qu'ils fassent un témoignage à charge. Les enfants et leurs tuteurs se sont portés volontaires pour collaborer avec le BdP.
A la question de la procureure demandant s’il avait prodigué des conseils ou des encouragements en ce qui concerne ce qu'ils devaient dire aux enquêteurs, il répond : "Il ne s'est rien passé de ce genre… Il n'était pas nécessaire de leur prodiguer des encouragements." "Mon travail consistait à emmener les enfants rencontrer les enquêteurs et je me suis limité à cela… Donc, aucune promesse n'a été faite aux parents ou aux enfants"
Il a ajouté que les enquêteurs ne lui ont jamais indiqué les questions qu'ils avaient l'intention de poser aux enfants qu'il leur présentait comme témoins potentiels. De même que les enfants n'ont jamais discuté avec lui de l'objet de leurs entretiens avec les enquêteurs.
Une grande partie de sa déposition s'est faite à huis clos.

La Défense étudie minutieusement le paiement des intermédiaires
Lors du contre interrogatoire, Catherine Mabille, avocate de la Défense a demandé le détail des défraiements payés par le BdP aux intermédiaires. On a appris ainsi, que des frais avaient été engagés pour louer un logement hors de la ville de Bunia à l'intermédiaire appelé M. Y pour assurer sa sécurité, et que le BdP a payé son transport lorsqu'il a pu enfin rentrer chez lui, les menaces ayant cessé.
Le témoin a réaffirmé que les intermédiaires avaient été remboursés de leurs transports, de leurs frais d'hôtel. Tout a été transcrit sur les notes du BdP.

Pression sur les témoins, les procureurs soupçonnent un proche de Thomas Lubanga
Les procureurs ont demandé aux juges de convoquer un cousin de Thomas Lubanga, nommé sous le pseudonyme de Cordo qu'ils accusent de faire pression sur les témoins pour les amener à faire de fausses dépositions. Dès que celui-ci avait appris que ces personnes collaboraient avec la CPI il les aurait menacés de transmettre cette information à leur communauté. Selon les procureurs, plusieurs témoins ont certifié que Cordo avaient fait directement pression sur eux ou sur leur famille pour leur demander de mentir. Selon les procureurs, Cordo a été un intermédiaire pour la Défense.
La semaine prochaine aurait du être consacrée à l'écoute des intermédiaires utilisés par le BdP, mais il faudra attendre la semaine suivante, les témoins n'étant pas encore prêts.

La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/

Compte rendu réalisé d'après les minutes du procès et les rapports de Wairagala Wakabi

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/   La semaine 16 a été suivie par Rachel Irwin

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009