La Défense examine attentivement les dépenses
des enquêteurs
Le procès de Thomas Lubanga devant la CPI en
est à son 18 ème mois. Thomas Lubanga est accusé
de crime de guerre pour avoir enrôlé, conscrit et utilisé
des enfants soldats durant la guerre qui a ensanglanté l'Ituri
(Nord-Est de la RDC) en 2002 – 2003.
De janvier à juillet 2009 les procureurs ont présentés
leurs témoins, dont sept anciens enfants soldats ayant servi
dans les milices de l'Union des Patriotes Congolais ( UPC) dirigé
par Thomas Lubanga. Les avocats représentants quatre-vingt
dix victimes n'ont pas pu obtenir la requalification des charges par
l'ajout d'inculpation d'esclavage sexuel et mauvais traitements qu'ils
ont demandé en juillet 2009. Ils ont présenté
en janvier 2010 trois témoins. La Défense présente
ses témoins depuis fin janvier 2010. La stratégie de
la Défense est de décrédibiliser les témoins
des procureurs en tentant de montrer que les intermédiaires
utilisés pour trouver des témoins anciens enfants soldats
les ont guidés et leur ont demandés de mentir.
La déposition du coordonateur des intermédiaires
A la demande des juges, quatre intermédiaires
devraient être entendus. La semaine du 14 au 18 juin a été
consacrée à la déposition du coordonateur sur
le terrain des intermédiaires. Celui-ci a témoigné
avec des mesures de protection, telle que la voix et le visage déformé,
et sans que l'on connaisse son nom. Il est toujours basé en
RDC.
De même, plusieurs intermédiaires travaillent toujours
en RDC, et il est nécessaire de garder un strict anonymat pour
assurer leur sécurité, bien que la Défense réclame
la levée de celui-ci.
A quoi servait l'argent
Lors de l'interrogatoire, la procureure Nicole Samson lui a demandé
s'il lui arrivait de payer les intermédiaires et les témoins.
Ce témoin a répondu que dans le cadre de son activité
quotidienne, chaque fois qu'il fallait payer un intermédiaire
ou un témoin, il en référait à La Haye,
et si le paiement était approuvé, il le faisait. Tout
paiement a donné lieu à une autorisation, tout est consigné
dans les tableaux et registres de la CPI.
A la question précise concernant ce qui a été
versé à un intermédiaire, appelé M. X,
il a précisé que M. X a demandé de l'argent pour
le transport. Il a bien vérifié auprès de ses
collègues que c'était bien le montant exact nécessaire
au voyage. Tout ce qui a été versé à M.
X correspond à des frais de transports pour lui ou pour amener
des enfants témoigner.
Les enfants ont-ils menti ?
Nicole Samson a demandé au coordonateur des intermédiaires,
si à aucun moment, M. X lui aurait dit qu'il pensait ou savait
que l'un des enfants que cet intermédiaire avait rencontré
mentait lorsqu'il a dit avoir été enfant soldat.
"S'il m'avait dit une chose pareille, j'aurais réagit
immédiatement. J'aurais informé mes supérieurs
à La Haye que cet enfant qui m'a été envoyé,
qui a été interrogé, n'avait jamais été
enfant soldat ou avait menti".
Les intermédiaires connaissaient-ils les questions
posées par les enquêteurs ?
"M. X n'a jamais vu le questionnaire. Il ne lui était
pas destiné et je n'en ai pas discuté avec lui. Les
questions étaient pour moi, j'ai rencontré les enfants,
et je leur ai posé les question", a déclaré
le témoin en ajoutant qu'après avoir interrogé
les enfants, il ne parlait jamais avec M. X de ce que les enfants
avaient dit. Il envoyait ses notes à ses supérieurs
hiérarchiques à La Haye à la fin de chaque journée.
Le bureau du procureur n'a jamais promis de payer
les témoins
Lors de la deuxième journée, le témoin a bien
affirmé que l'on a jamais promit ou donné aux enfants
qui ont témoigné d'incitation financière pour
qu'ils fassent un témoignage à charge. Les enfants et
leurs tuteurs se sont portés volontaires pour collaborer avec
le BdP.
A la question de la procureure demandant s’il avait prodigué
des conseils ou des encouragements en ce qui concerne ce qu'ils devaient
dire aux enquêteurs, il répond : "Il ne s'est rien
passé de ce genre… Il n'était pas nécessaire
de leur prodiguer des encouragements." "Mon travail consistait
à emmener les enfants rencontrer les enquêteurs et je
me suis limité à cela… Donc, aucune promesse n'a
été faite aux parents ou aux enfants"
Il a ajouté que les enquêteurs ne lui ont jamais indiqué
les questions qu'ils avaient l'intention de poser aux enfants qu'il
leur présentait comme témoins potentiels. De même
que les enfants n'ont jamais discuté avec lui de l'objet de
leurs entretiens avec les enquêteurs.
Une grande partie de sa déposition s'est faite à huis
clos.
La Défense étudie minutieusement le
paiement des intermédiaires
Lors du contre interrogatoire, Catherine Mabille, avocate de la Défense
a demandé le détail des défraiements payés
par le BdP aux intermédiaires. On a appris ainsi, que des frais
avaient été engagés pour louer un logement hors
de la ville de Bunia à l'intermédiaire appelé
M. Y pour assurer sa sécurité, et que le BdP a payé
son transport lorsqu'il a pu enfin rentrer chez lui, les menaces ayant
cessé.
Le témoin a réaffirmé que les intermédiaires
avaient été remboursés de leurs transports, de
leurs frais d'hôtel. Tout a été transcrit sur
les notes du BdP.
Pression sur les témoins, les procureurs soupçonnent
un proche de Thomas Lubanga
Les procureurs ont demandé aux juges de convoquer un cousin
de Thomas Lubanga, nommé sous le pseudonyme de Cordo qu'ils
accusent de faire pression sur les témoins pour les amener
à faire de fausses dépositions. Dès que celui-ci
avait appris que ces personnes collaboraient avec la CPI il les aurait
menacés de transmettre cette information à leur communauté.
Selon les procureurs, plusieurs témoins ont certifié
que Cordo avaient fait directement pression sur eux ou sur leur famille
pour leur demander de mentir. Selon les procureurs, Cordo a été
un intermédiaire pour la Défense.
La semaine prochaine aurait du être consacrée à
l'écoute des intermédiaires utilisés par le BdP,
mais il faudra attendre la semaine suivante, les témoins n'étant
pas encore prêts.
La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population
sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/
Compte rendu réalisé d'après les minutes du procès
et les rapports de Wairagala
Wakabi