Selon la défense de Thomas Lubanga, plusieurs
témoins de l'accusation ont menti aux enquêteurs et au
tribunal
Un ancien suspect sera interrogé par les procureurs
Le jeudi 13 mai, le juge Fulford a donné l’autorisation
aux procureurs de procéder à l’interrogatoire
du ‘témoin n°3’. Ce dernier est un ancien suspect
dans le cadre de l’enquête préliminaire. Les procureurs
l’avaient interrogé durant cette enquête, mais
il avait refusé tout enregistrement audio ou vidéo de
son interrogatoire, ce qui avait empêché les procureurs
de l’utiliser comme témoin. Les procureurs l’interrogeront
aussi sur le rôle des intermédiaires qu’il avait
rencontrés. « Étant donné que ce témoin
a refusé de coopérer avec l’accusation et qu’il
a fourni des informations potentiellement utiles à l’accusé,
la cour a ordonné que l’accusation révèle
les éléments pertinents à l’accusé,
puisqu’il s’agit de l’un des témoins dont
l’identité a pu être divulguée à
la défense »
Bien que ce témoin ait refusé toute collaboration avec
les procureurs, il a accepté l’interrogatoire en février
dernier mais a demandé la présence d’un représentant
de la défense et du greffe du tribunal. Cependant l’interrogatoire
se fera en l’absence de la défense, le témoin
n°3 pouvant révéler les identités de personnes
ne devant pas être connues de celle-ci, entre autres d’intermédiaires.
Un ancien enfant soldat témoigne pour l’accusation
Le ‘témoin 297’ n’avait pas pu faire sa déposition
au début 2009 pour raison de santé. Comme lors de l’entrevue
qu’il a eue en décembre 2009 avec les avocats de la défense,
il mettait en cause le rôle des intermédiaires utilisés
par les enquêteurs du bureau du procureur, la défense
a demandé de l’interroger en premier, ce qui a été
refusé par le juge.
Enlevé dans son école et utilisé
comme garde du corps
Lundi 17 mai, ce témoin s’est déclaré comme
un ancien enfant soldat. Il dit avoir été enlevé
dans son école par des soldats conduits par Floribert Kissembo
et enrôlé de force dans les Force Patriotique de Libération
du Congo (FPLC), branche armée de l’Union du Peuple Congolais
(UPC) que dirigeait Thomas Lubanga. Il a été dans trois
camps d’entraînements et a participé à plusieurs
combats. Il a fait partie des gardes du corps de Floribert Kissembo,
présumé chef militaire du FPLC. Il prétend qu’il
n’a vu Thomas Lubanga que deux fois, la première lors
d’une rencontre de celui-ci avec les chefs militaires de l’UPC,
la deuxième en faisant partie de son escorte dans la ville
de Bunia, à la demande de Floribert Kissembo.
Aux questions de la procureure Nicole Samson, il a affirmé
que lors de la rencontre des chefs, en plus de Thomas Lubanga et Floribert
Kissembo, il y avait Bosco Ntanganda (actuellement inculpé
par la CPI, mais toujours en fuite) et d’autres nommés
« Commandant Patrick » et « Commandant Aslimwe ».
Lors de cette rencontre, lui et beaucoup d’autres enfants soldats
montaient la garde autour d’une grande maison à Lopa.
Mais il admet avoir menti aux enquêteurs
Dans la suite de sa déposition, le 24 mai, le ‘témoin
297’ reconnait avoir donné de fausses informations aux
enquêteurs du bureau du procureur en 2008.
Cet aveu a été fait après la lecture par les
avocats de la défense de plusieurs paragraphes de sa déclaration.
Il a déclaré maintenant que le commandant du camp d’entraînement
n’était pas Floribert Kissembo, mais Bosco Ntaganda «
Oui, j’ai dit aux enquêteurs que j’avais vu Bosco
trois fois, mais j’avais peur de tout dire sur lui, …
parce que je me suis dit que je pourrais être arrêté
et jeté en prison. Ou on pourrait me demander où se
trouvait Bosco. »
Ce témoin a aussi omis de dire aux enquêteurs qu’après
avoir quitté l’UPC après l’arrestation de
Thomas Lubanga, il s’était engagé dans une autre
milice, le Front National Intégrationniste (FNI) de M. Ngudjolo
qui recrutait d’anciens combattants avec la promesse d’un
salaire. Il a quitté cette milice au bout de trois mois. Le
procès de M. Ngudjolo pour crime contre l’humanité
et crime de guerre a débuté en novembre dernier devant
la CPI.
La bataille de Nizi
Ce témoin a avoué aussi ne pas avoir fait mention aux
enquêteurs du bureau des procureurs qu’il avait participé
à la bataille de Nizi. « Je n’ai pas donné
de détails aux enquêteurs concernant Nizi car beaucoup
de gens sont morts à Nizi … un certain nombre de soldats
sont morts dans la rivière et c’est pourquoi j’ai
eu peur de donner des explications aux enquêteurs sur les circonstances
dans lesquelles cela s’est déroulé. »
Des documents prouveraient que des enfants soldats
ont menti sur leur identité
Le 25 mai, la défense a exhibé des documents récupérés
par un inspecteur primaire à la demande des avocats de Thomas
Lubanga dans des écoles : dossiers de fin d’étude
primaire, bulletins de notes, registres, et listes d’élèves
contenant les noms, âge, dates de naissance, et noms des parents
d’élèves. Parmi ceux qui seront dénoncés
par l’avocat de la défense comme ayant menti il y aurait
sept anciens témoins à charge qui s’étaient
présentés comme ancien enfants soldats et deux autres
qui ont déclaré avoir été enlevés
et enrôlés alors qu’ils étaient âgés
de quinze et dix-sept ans.
On attend le contre-interrogatiore du lundi 31 mai de M. Kama-kama,
l’inspecteur qui a fournit à la défense ces documents.
Le juge a demandé aux procureurs de les analyser avec attention
pour déceler s’il s’agissait de faux.
La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population
sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/
Compte rendu réalisé d'après les minutes du procès
et les rapports de Wairagala
Wakabi