Amnesty International France

Commission Enfants


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Le procès Lubanga devant la cour pénale internationale

Lettre d'information n° 30

semaine: 3  mai - 8 mai 2010

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Le procès de Thomas Lubanga devant la Cour Pénale Internationale reprend après trois semaines d'interruption.
Vacances de printemps, suivies des problèmes de transports aériens, et d'un chevauchement avec le début du procès de Jean-Pierre Bemba.
Thomas Lubanga, dont le procès a débuté en janvier 2009 est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour enrôlement, conscription et utilisation d'enfants de moins de quinze ans dans le conflit qui a ensanglanté l'Ituri au nord de la RDC en 2002-2003. Actuellement la défense présente ses témoins.

Deux témoins, présentés par la défense déposent par visio-conférence depuis Bunia (Nord Kivu)
Selon la défense ces deux témoins devraient permettre de jeter le discrédit sur l'identité affichée par un des trois témoins présenté par les représentants des victimes en janvier dernier.
Ils ont témoigné séparément, à visage découvert et sans que leur voix ne soit déformée. Cependant, une partie de leur déposition s'est faite à huis clos.

Victime ou témoin de la défense ?
Le premier témoin, Dieudonné Tonyfwa Urochi a indiqué qu'il était né en 1988; il avait donc 14 ans lorsqu'il a été recruté dans les milices de l'UPC. Il a déclaré qu'il avait été enlevé par les soldats de l'UPC et enrôlé de force dans la milice.
Lors du contre-interrogatoire il a expliqué qu'il avait rempli un formulaire pour être considéré comme victime, qu'il avait dit à l'intermédiaire de la défense qu'il n'avait pas été enfant-soldat "J'ai refusé de lui dire la vérité, et c'était parce que je ne savais pas pourquoi il posait cette question". Ensuite, lorsqu'il a rencontré les avocats de la défense et cet intermédiaire, il leur a confirmé qu'il avait combattu au sein de la milice de l'UPC et il leur a montré les exemplaires du formulaire. Mais il ne leur a pas dit comment il avait été remplacé comme victime. En audience publique, on n'a pas pu savoir comment il était passé de statut de victime à celui de témoin de la défense.

Les viols ne sont pas d'actualité
Le deuxième témoin, Jean Claude Chonga est né en mai 1987, il avait à peu près 14 ans lorsqu'il est entré à l'UPC en 2001. Il a quitté l'école à cette époque et est entré dans le groupe où son oncle avait un grade élevé. "Je suis allé voir mon oncle paternel, et c'est à ce moment là que je suis allé effectuer mon service militaire. J'ai vraiment aimé le service militaire car dans mon village les soldats nous fatiguaient et nous harcelaient beaucoup"."Je suis allé chez mon oncle à cause des menaces des soldats et je suis immédiatement entré à l'UPC".
A la question de la procureure Mme Stuyven pour savoir quels soldats harcelaient les gens, Jean Claude Chonga répond que les soldats de l'UPC violaient les femmes et les jeunes filles et se livraient au pillage. Il a ajouté que les miliciens du Front National Uni, groupe local rival de l'UPC, tuaient et frappaient les civils.
Lorsque le procureur a demandé au témoin s'il avait vu ces viols, et que celui-ci a répondu par l'affirmative, le juge Fulford a contesté qu'il y ait un rapport entre ces faits et les charges qui pèsent contre Thomas Lubanga et demandé à la procureure de ne pas s'occuper de cette question.
Il faut rappeler que la requalification des charges par l'ajout d'esclavage sexuel et traitements inhumains demandé par les avocats des victimes a été rejetée par la cour en octobre 2009.
Jean Claude Chonga a précisé en réponse à une question de la procureure qu'il y avait des enfants dans les camps de l'UPC "Certains des enfants étaient plus jeunes que moi"
"Garçons ou filles?
" a demandé la procureure. "Des garçons. Lorsque les filles allaient effectuer leur service militaire, elles étaient immédiatement mariées. Seul un petit nombre d'entre elles finissaient la formation."

La défense "joue la montre".
Les avocats de la défense ont soulevé des problèmes concernant la traduction de témoignage, notamment du "témoin n° 24" ayant déposé le 6 mars dernier, et demandé à ce qu'il soit rapidement vérifié, ce qui exigerait de revoir avec ce témoin les 50 heures de déposition.
Le juge Fulford donnera sa décision mercredi 5 mai.
La défense continue à poursuivre les procureurs d'abus de procès et remet en cause le rôle des intermédiaires, les accusant d'avoir incité les témoins à falsifier leur identité.
Le dernier témoin à déposer était une mère qui remettait en cause l'âge de ses enfants, mais tout son témoignage a été fait à huis clos.
Le procès a été suspendu, le prochain témoin qui devait être présenté par la défense n'étant pas prêt.
Le juge a demandé que la défense et le bureau des témoins et victimes assurent la présence des témoins. Il a rappelé que la CPI ne disposait que de deux salles d'audience pour trois procès en cours. Celui de Jean-Pierre Bemba vient de commencer, et celui de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo a débuté en janvier.

Mais qui est le vrai Dieudonné Tonyfwa Urochi ? Identités volées ?
Les avocats de la défense prétendent que les identités des deux témoins présentés précédemment leur ont été volées. C'est sous le nom de Dieudonné Tonyfwa Urochi qu'un témoin présenté par les avocats des victimes avait déposé devant la cour au mois de janvier dernier. C'est sous ce même nom qu'un témoin de la défense s'est présenté en début de la semaine dernière. Il témoignait par vidéo, n'ayant pas pu obtenir de passeport pour La Haye. Jeudi dernier, un témoin de la défense, Bertin Ukuna Nyona s'est présenté à la barre comme le père du Dieudonné Tonywfa Urochi qui avait témoigné pour la défense la veille, le reconnaissait, mais ne pouvait présenter de papiers officiels les ayant laissés en RDC.
Les procureurs ont demandés que soient prises des empreintes digitales.
La défense prétend que c'est le directeur de l'école fréquentée par les deux "Diodonnés Tonyfwa Urochi" qui aurait fait la permutation des identités.
La défense tente ainsi d'établir que les intermédiaires des enquêteurs de l'accusation ont coachés les témoins de l'accusation, et falsifié les témoignages.

Reprise du procès mardi 11 mai

La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/

Compte rendu réalisé d'après les minutes du procès et les rapports de Wairagala Wakabi

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/   La semaine 16 a été suivie par Rachel Irwin

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009