Le procès de Thomas Lubanga devant la Cour Pénale
Internationale reprend après trois semaines d'interruption.
Vacances de printemps, suivies des problèmes de transports
aériens, et d'un chevauchement avec le début du procès
de Jean-Pierre Bemba.
Thomas Lubanga, dont le procès a débuté en janvier
2009 est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité
pour enrôlement, conscription et utilisation d'enfants de moins
de quinze ans dans le conflit qui a ensanglanté l'Ituri au
nord de la RDC en 2002-2003. Actuellement la défense présente
ses témoins.
Deux témoins, présentés par
la défense déposent par visio-conférence depuis
Bunia (Nord Kivu)
Selon la défense ces deux témoins devraient permettre
de jeter le discrédit sur l'identité affichée
par un des trois témoins présenté par les représentants
des victimes en janvier dernier.
Ils ont témoigné séparément, à
visage découvert et sans que leur voix ne soit déformée.
Cependant, une partie de leur déposition s'est faite à
huis clos.
Victime ou témoin de la défense ?
Le premier témoin, Dieudonné Tonyfwa Urochi a indiqué
qu'il était né en 1988; il avait donc 14 ans lorsqu'il
a été recruté dans les milices de l'UPC. Il a
déclaré qu'il avait été enlevé
par les soldats de l'UPC et enrôlé de force dans la milice.
Lors du contre-interrogatoire il a expliqué qu'il avait rempli
un formulaire pour être considéré comme victime,
qu'il avait dit à l'intermédiaire de la défense
qu'il n'avait pas été enfant-soldat "J'ai refusé
de lui dire la vérité, et c'était parce que je
ne savais pas pourquoi il posait cette question". Ensuite,
lorsqu'il a rencontré les avocats de la défense et cet
intermédiaire, il leur a confirmé qu'il avait combattu
au sein de la milice de l'UPC et il leur a montré les exemplaires
du formulaire. Mais il ne leur a pas dit comment il avait été
remplacé comme victime. En audience publique, on n'a pas pu
savoir comment il était passé de statut de victime à
celui de témoin de la défense.
Les viols ne sont pas d'actualité
Le deuxième témoin, Jean Claude Chonga est né
en mai 1987, il avait à peu près 14 ans lorsqu'il est
entré à l'UPC en 2001. Il a quitté l'école
à cette époque et est entré dans le groupe où
son oncle avait un grade élevé. "Je suis allé
voir mon oncle paternel, et c'est à ce moment là que
je suis allé effectuer mon service militaire. J'ai vraiment
aimé le service militaire car dans mon village les soldats
nous fatiguaient et nous harcelaient beaucoup"."Je suis
allé chez mon oncle à cause des menaces des soldats
et je suis immédiatement entré à l'UPC".
A la question de la procureure Mme Stuyven pour savoir quels soldats
harcelaient les gens, Jean Claude Chonga répond que les soldats
de l'UPC violaient les femmes et les jeunes filles et se livraient
au pillage. Il a ajouté que les miliciens du Front National
Uni, groupe local rival de l'UPC, tuaient et frappaient les civils.
Lorsque le procureur a demandé au témoin s'il avait
vu ces viols, et que celui-ci a répondu par l'affirmative,
le juge Fulford a contesté qu'il y ait un rapport entre ces
faits et les charges qui pèsent contre Thomas Lubanga et demandé
à la procureure de ne pas s'occuper de cette question.
Il faut rappeler que la requalification des charges par l'ajout d'esclavage
sexuel et traitements inhumains demandé par les avocats des
victimes a été rejetée par la cour en octobre
2009.
Jean Claude Chonga a précisé en réponse à
une question de la procureure qu'il y avait des enfants dans les camps
de l'UPC "Certains des enfants étaient plus jeunes
que moi"
"Garçons ou filles?" a demandé la procureure.
"Des garçons. Lorsque les filles allaient effectuer
leur service militaire, elles étaient immédiatement
mariées. Seul un petit nombre d'entre elles finissaient la
formation."
La défense "joue la montre".
Les avocats de la défense ont soulevé des problèmes
concernant la traduction de témoignage, notamment du "témoin
n° 24" ayant déposé le 6 mars dernier, et demandé
à ce qu'il soit rapidement vérifié, ce qui exigerait
de revoir avec ce témoin les 50 heures de déposition.
Le juge Fulford donnera sa décision mercredi 5 mai.
La défense continue à poursuivre les procureurs d'abus
de procès et remet en cause le rôle des intermédiaires,
les accusant d'avoir incité les témoins à falsifier
leur identité.
Le dernier témoin à déposer était une
mère qui remettait en cause l'âge de ses enfants, mais
tout son témoignage a été fait à huis
clos.
Le procès a été suspendu, le prochain témoin
qui devait être présenté par la défense
n'étant pas prêt.
Le juge a demandé que la défense et le bureau des témoins
et victimes assurent la présence des témoins. Il a rappelé
que la CPI ne disposait que de deux salles d'audience pour trois procès
en cours. Celui de Jean-Pierre Bemba vient de commencer, et celui
de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo a débuté en janvier.
Mais qui est le vrai Dieudonné Tonyfwa Urochi
? Identités volées ?
Les avocats de la défense prétendent que les identités
des deux témoins présentés précédemment
leur ont été volées. C'est sous le nom de Dieudonné
Tonyfwa Urochi qu'un témoin présenté par les
avocats des victimes avait déposé devant la cour au
mois de janvier dernier. C'est sous ce même nom qu'un témoin
de la défense s'est présenté en début
de la semaine dernière. Il témoignait par vidéo,
n'ayant pas pu obtenir de passeport pour La Haye. Jeudi dernier, un
témoin de la défense, Bertin Ukuna Nyona s'est présenté
à la barre comme le père du Dieudonné Tonywfa
Urochi qui avait témoigné pour la défense la
veille, le reconnaissait, mais ne pouvait présenter de papiers
officiels les ayant laissés en RDC.
Les procureurs ont demandés que soient prises des empreintes
digitales.
La défense prétend que c'est le directeur de l'école
fréquentée par les deux "Diodonnés Tonyfwa
Urochi" qui aurait fait la permutation des identités.
La défense tente ainsi d'établir que les intermédiaires
des enquêteurs de l'accusation ont coachés les témoins
de l'accusation, et falsifié les témoignages.
Reprise du procès mardi 11 mai
La voix du peuple…
Une radio communautaire de Goma pose des questions à la population
sur la cour pénale internationale (en français).
A écouter sur: http://www.irfj.org/category/drc/kivus-goma-voxpop/
Compte rendu réalisé d'après les minutes du procès
et les rapports de Wairagala
Wakabi