Amnesty International France

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Le procès Lubanga devant la cour pénale internationale

Lettre d'information n° 24

semaine: 8 - 12 février 2010

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Le père et l'oncle d'un témoin de l'accusation

Lundi s'est terminé le témoignage du père d'un des témoins présenté par l'accusation. Ce père affirme que son fils n'a jamais participé à un groupe armé.

200 dollars pour un faux témoignage

Le deuxième témoin , Joseph Maki, se dit être l'oncle de celui qui s'est dit ex-enfant soldat. Il prétend que des intermédiaires des enquêteurs pour la cour pénale internationale lui ont donné 200 dollars pour convaincre son neveu de se faire passer pour un ex-enfant soldat, et pour accepter que l'on fasse une radiographie des os pour déterminer son âge. Il dit avoir rencontré deux fois les enquêteurs de la CPI, une fois à Buni en Ituri (Est de la RDC) et une autre fois à Kinshasa. La première entrevue était avec trois personnes blanches et une noire, la deuxième avec deux personnes blanches et deux noires. Il affirme que les enquêteurs de la CPI n'ont jamais été au courant de la tractation.
Il a aussi caché aux responsables de la cour qu'il connaissait Lubanga.
A la question de l'avocate de la défense, Catherine Mabille demandant pourquoi il leur avait dit connaître Lubanga et l'avoir caché à la cour, il répond: "Je jouais un rôle, répétant ce qui avait été préparé [par les intermédiaires]. C'était pour l'argent. Les blancs ne connaissent pas cela mais nous, les noirs, si. On m'avait indiqué ce que je devais dire".
Il a ajouté que son neveu avait aussi rencontré ces intermédiaires, et qu'il avait donné son accord pour que celui-ci accepte toutes les demandes des enquêteurs
Le Juge Fulford a alors demande : « Allons nous les entendre ? Et dans l’affirmative, à quel moment ? » Il s’est interrogé de savoir si l’accusation demanderait aux juges « de rejeter les témoignages de la défense sans avoir entendu les nombreuses personnes qui ont déclaré avoir été achetées, ce qui constitue un élément important de l’argumentation de la défense. »

Pourquoi ce témoin a-t-il rencontré les avocats de la défense

Ce témoin a déclaré que les intermédiaires lui avait promis la possibilité d'aller s'installer en Tanzanie ou dans une autre ville de la RDC. Cependant ils l'avaient ensuite menacé de l'emprisonner s'il les "trahissait".
Mais la vie dans son village est devenue difficile. Sa femme l'a quitté, les voisins voulaient le battre. Il a fui sa maison pour se réfugier dans la brousse par peur d'être attaqué. "Des gens voulaient me frapper, des gens qui appartenaient à ma propre famille". "Ce que nous avons fait n'était pas bien parce que nous avons vendu l'enfant de quelqu'un… ils nous ont donné 200 dollars mais c'était pour la nourriture. Ce n'était même pas pour lui acheter des vêtements".
A la question de la procureure Nicole Samson, qui lui demande qui voulait lui faire du mal, il répond :"Même mes grands frères tentaient de faire pression sur moi. On m'a dit que je vendais des personnes et prenais de l'argent pour trahir des gens". Il dit être allé voir les chefs du village pour leur demander pardon. Ceux-ci l'ont envoyé voir le secrétaire général de l'UPC (l'organisation dont Lubanga était le président) qui l'a dirigé vers les avocats de la défense.
Nicole Samson lui a demandé si les dirigeants de l'UPC lui avaient donné de l'argent. Le témoin répond qu'il en avait demandé, mais que ces derniers avaient refusé. Ils ont dit qu'ils n'étaient pas des voleurs et qu'ils ne voulaient pas acheter son témoignage.

Témoignage d'un faux ex-enfant soldat: "Lubanga n'a pas enrôlé d'enfants"

Claude Nyeki Django, 20 ans, a témoigné sans protection. Il a raconté qu'il avait été enrôlé par un certain Dudu pour parader comme ex-enfant soldat dans un meeting à Buni. Lorsqu'il avait tenté d'expliquer qu'il n'était pas enfant soldat, on lui avait demandé de se taire. Puis il avait été emmené par celui-ci à Kinshasa et enfermé plusieurs mois.
Il a prétendu que Lubanga n'avait jamais enrôlé d'enfants dans la milice de l'UPC. Selon lui, les enfants s'engageaient d'eux-mêmes. C'était des enfants des rues, ou des enfants qui voulaient quitter l'école et que la possibilité de rançonner les civils comme le faisaient les militaires, attirait. "Les gens n'ont pas été forcés de devenir des enfants soldats. C'étaient des enfants des rues qui s'enrôlaient, à cause des difficultés qu'ils rencontraient et après avoir vu des enfants de leur âge porter des armes" a-t-il indiqué "Je ne peux pas dire que c'est Thomas Lubanga qui a parcouru la ville pour demander aux enfants de devenir des enfants soldats. Ce sont les enfants eux-mêmes qui voulaient de leur propre gré devenir enfants soldats".
Il a aussi affirmé que celui qui voulait quitter la milice pouvait le faire sans problème. Ces affirmations contredisent tous les témoignages d'ex-enfants soldats présentés par les procureurs qui ont fait état de torture dans les camps d'entraînement, et de mort en cas de tentative de fuite.
Mais, lui-même n'a jamais été enrôlé, et il se fait l'écho de ce que lui ont dit d'anciens miliciens.

Le témoin s'effondre en larme

A l'évocation de la manière dont sa famille a été massacrée par les milices Lendu (contre lesquelles luttait la milice Hema de Thomas Lubanga), chez lui, alors qu'il était caché avec ses jeunes frères et sœurs sous un lit, ce témoin s'est effondré en larme. La séance a été interrompue. Il s'est effondré une deuxième fois au début de la troisième journée de son témoignage. Le juge Fulford a demandé aux psychologues de l'Unité d'aide aux victimes et aux témoins d'apprécier si Django était en mesure de poursuivre sa déposition. Après une heure et demie d'interruption, ce dernier a indiqué qu'il pouvait reprendre son témoignage.

Ce témoin connaissait lui aussi Thomas Lubanga

Au cours du contre-interrogatoire, Nicole Samson lui a demandé s'il connaissait Thomas Lubanga. Il a répondu par l'affirmative, parce que durant la guerre Thomas Lubanga était devenu un personnage important, qu'il était le chef de l'UPC. "A cause de la guerre, Thomas est devenu quelqu'un d'important. Il vendait des haricots dans un entrepôt, en tant que commerçant. Je l'ai donc connu en tant que vendeur."
Le reste de son témoignage s'est déroulé à huis clos.

Compte rendu réalisé d'après les minutes du procès et les rapports de Wairagala Wakabi

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/   La semaine 16 a été suivie par Rachel Irwin

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009