Amnesty International France

Commission Enfants


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Le procès Lubanga devant la cour pénale internationale

Lettre d'information n° 22

semaine 21-22 janvier 2010

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Comment je fus enlevé et conscrit dans la milice de l'UPC
Jeudi 22 un ancien enfant soldat, qui témoigne comme victime dans le procès de Thomas Lubanga, a raconté comment il fut enlevé et conscrit dans la milice de l'UPC. Il raconta que des combattants de l'UPC l'ont enlevé alors qu'il revenait de l'école. Ils l'ont emmené dans un camp d'entraînement près de la ville de Bule dans l'Est de la RDC. A la question de certifier qu'il s'agissait bien de l'UPC, le témoin dit qu'il en était sur à cause des uniformes.
"Je revenais de l'école, et je n'étais pas encore arrivé chez moi". Il se rappelle avoir demandé aux miliciens où ils l'emmenaient. "Ils me dirent de continuer avec eux."

Qu'importe l'âge
Ni ceux qui l'ont enlevé, ni les instructeurs ne lui ont demandé son âge. Il dit que les mêmes punitions étaient infligées dans les camps d'entraînement, quel que soit l'âge ou le genre.
A la question de la procureure Olivia Struyven, sur l'âge des recrues qu'il a côtoyées dans le camp d'entraînement, le témoin répond qu'il ne peut le dire, certains étaient plus âgées d'autres avaient le même âge que lui. Ce n'est qu'à huis clos que son âge propre a été spécifié, mais il se décrit lui-même comme un enfant soldat.

Enfant éclaireur et porteurs de munitions
Il décrit à la cour que durant l'attaque de Bunia, lui et d'autres garçons étaient utilisés comme éclaireurs. Il indiquait les positions des ennemis de l'UPC aux autres combattants. Il dit qu'on lui a tiré dessus et qu'il a été blessé au pied lors de cette bataille.
Lors de la bataille de Mogwalu, sa fonction était de porter les caisses de munitions au front. Il assure que des garçons de son âge portaient des fusils lors des batailles de Bunia et Mongwalu et prenaient part aux combats. Il n'a pas dit si lui-même avait tiré avec un fusil lorsqu'il était dans l'UPC. Dans les camps d'entraînement, il a appris à démonter et remonter une mitrailleuse. Ceux qui n'y arrivaient pas étaient fouettés.

Pas de quartier
A la question de la procureure sur ce que devenaient les ennemis capturés par les miliciens, le témoin raconte qu'une fois qu'ils avaient donné les renseignements demandés, ils étaient tués. "Je l'ai vu durant la bataille". Il a déserté les rangs de l'UPC durant la bataille de Mongwalu, parce qu'il avait peur d'être tué.

La torture dans les camps de l'UPC était routinière
Les deux témoins qui ont terminés leur déposition devant la cour jeudi et vendredi ont confirmé les punitions et les tortures qui avaient cours dans les camps d'entraînement. "Ils nous punissaient en nous mettant dans un trou et vous deviez rester debout." Parfois les recrues étaient obligées, lorsqu'elles étaient accusées de violence à se rouler dans de l'eau sale. On était fouettés si on ne finissait pas l'exercice durant la pluie.
Les deux témoins ont assuré que l'UPC avait envoyé des enfants soldats au front et que certains avaient été tués. Ils ont tous les deux été blessés.

Des contradictions dans les témoignages
Lors du contre interrogatoire du deuxième témoin, l'avocate de Thomas Lubanga, Maitre Catherine Mabillle a remarqué que dans le témoignage que cet ancien enfant soldat avait fait en 2006 (lors de l'enquête préliminaire), il avait parlé d'un entraînement de deux mois et demi, alors qu'il ne parle plus maintenant que d'une semaine. Le témoin confirme qu'il s'agissait d'une semaine. De même aux questions de l'avocate, il concède que ce qu'il avait dit en 2006 concernant les batailles dans deux autres villages était également incorrect.

Thomas Lubanga était bien le chef de l'UPC
Les trois témoins présentés par les représentants des victimes, l'ancien maitre d'école et les deux anciens enfants soldats ont confirmé que Thomas Lubanga était bien le commandant des milices de l'UPC.

La défense présente ses témoins à partir de la semaine du 25 janvier
Il a fallu trois ans, dix mois et une semaine à attendre pour que la défense puisse dire à la cour pourquoi les juges doivent libérer Thomas Lubanga. Ce dernier a 49 ans. Il est diplômé en psychologie. Il est en détention à La Haye depuis mars 2006. Il plaide non coupable des crimes de guerre dont il est inculpé.
Les procureurs ont présentés 36 témoins, les représentants des victimes en ont présenté trois. Ils ont soutenu l'accusation. L'équipe de Catherine Mabille devrait présenter trente témoins pour soutenir son innocence. Elle va probablement essayer de discréditer les témoins de l'accusation et des victimes sur les faits: était-il commandant des milices, a-t-il pris une part active dans le recrutement d'enfants de moins de quinze ans dans le conflit, et avait-il la connaissance de l'existence des enfants soldats au sein de l'UPC et des forces du FPLC (front patriotique de libération du Congo).

Lundi 25 janvier, deux des trois témoins rappelés à la barre, à la demande de la défense
Le juge Fulford a déclaré que le représentant des victimes Joseph Keta, et la procureure Olivia Struyven avaient présenté aux juges des documents dont les contenus ont été trouvé suffisants par la chambre pour nécessiter le rappel à la barre des deux premiers témoins. L'ancien maître d'école et un des anciens enfants soldats ont donc été rappelés pour répondre à des questions complémentaires, à la demande de la défense. Mais pratiquement tout leur témoignage s'est déroulé à huis clos.
En séance publique, l'ancien enfant soldat répondant à une question de la juge Elizabeth Odio-Benito a confirmé que les filles portaient l'uniforme, que "quelques unes étaient des compagnes de soldats", et qu'il "avait vu deux d'entre elles combattre".

Compte rendu rédigé à l'aide des rapports de Wairagala Wakabi du Institut for War and Peace Reporting

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/   La semaine 16 a été suivie par Rachel Irwin

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009