Lors de la semaine du 12 au 15 janvier, la cour pénale Internationale
qui juge Thomas Lubanga pour enrôlement, conscription et utilisation
d'enfants soldats a entendu trois témoins présentés
par les avocats des victimes. Pour protéger ces témoins,
la plus grande partie des audiences a eu lieu à huis clos,
et lors des audiences publiques, la voix et le visage des témoins
étaient déformés électroniquement.
Les enfants enlevés dans une école:
Le premier était directeur d'une école à Mahagi
dans l'est de la RDC. Il a raconté comment des miliciens de
l'UPC, milice dirigée par Thomas Lubanga, avait investit son
école et enrôlé plusieurs enfants. Il a dit qu'il
avait été frappé à coup de crosse, qu'il
s'était évanoui, transporté dans une clinique
proche puis évacué sur un hôpital en Ouganda.
Il a eu la figure déformée, subi des traumatismes et
perdu son école. Ce témoin a ajouté qu'à
son avis les charges auxquelles doit répondre Thomas Lubanga
étaient "insignifiantes" par rapport à
ce que les habitants de son village ont du endurer de la part des
milices de l'UPC: "Il y a eu des meurtres, des assassinats,
de l'esclavage sexuel, de la violence sexuelle."
Malgré les risques personnels qu'il encoure en venant témoigner
devant la CPI, il dit être venu pour demander des réparations
pour son village et que le monde sache ce que celui-ci a subi.
Les miliciens de l'UPC ont enlevé plusieurs enfants de
moins de quinze ans
Les deux témoins suivants ont assurés que les miliciens
de l'UPC ont enlevé plusieurs enfants de moins de quinze ans,
certains de l'intérieur d'une école. La violence sexuelle
contre les filles soldat, les punitions cruelles lors de l'entraînement
militaire, la torture de civils ont été citées
parmi les déplorables réalités qu'ils ont rencontrées.
Tous les deux assurent que Lubanga était à la tête
de l'UPC.
Des commandants auraient eu des relations sexuelles avec des filles
soldats de 13 – 14 ans
Un de ces deux témoins, qui avait été enlevé
par les miliciens de l'UPC et conscrit dans un groupe militaire, a
dit qu'il y avait de nombreux enfants — garçons et filles
— dans les camps d'entraînement de l'UPC, et que certains
d'entre eux avaient été tués. Il a ajouté
que les commandants avaient des relations sexuelles avec des filles
soldats qui pouvaient avoir 13 à 14 ans. Lorsque les garçons
et les filles étaient à l'entraînement, "
les filles étaient soldats et en même temps femmes
des commandants". A une question du procureur, Nicole Samson,
il répond "Les jolies filles n'étaient pas traitées
comme les garçons. Mais les autres filles l'étaient
de la même manière que les garçon". Les
jolies filles apprenaient aussi le maniement des armes et à
être soldat.
Cet ancien enfant soldat a témoigné qu'un commandant
de l'UPC lui avait ordonné de l'emmener chez un homme riche
de son village, ainsi que de lui trouver de jolies filles. Il trouva
trois filles que le commandant emmena. Il ne sait pas ce qu'elles
sont devenues.
Tués comme des mouches
Un de ces anciens enfants soldats a décrit la bataille de la
prise de Bogoro, en Ituri, bataille pour laquelle Germain Katanga
et Mathieu Ngudjolo Chui sont accusés devant la CPI de crimes
de guerre et de crimes contre l'humanité et dont le procès
a débuté en décembre. "Ce jour là,
beaucoup de gens ont été tués. J'ai vue des gens
mourir à coté de moi. Ils étaient comme des mouches.
Même des amis avec lesquels j'étais, moururent. Des commandants
moururent aussi. C'était terrible".
Les mauvais traitements dans les camps de l'UPC
Ce témoin a évoqué aussi les mauvais traitements
qu'il a subis dans les camps d'entraînement de l'UPC. Souvent
fouettés sans raison, il a mangé quelques fois des haricots
ou le sable remplaçait le sel. Une fois, victime de diarrhée,
il a mâché du charbon de bois jusqu'à ce qu'il
se sente mieux.
Il a raconté à la cour que les combattants de l'UPC
qui fuyaient la ligne de front étaient exécutés;
pendus à un arbre, les soldats à 20 mètres leur
tiraient dessus jusqu'à ce qu'ils soient sûrs de leur
mort. "Ils continuaient à tirer jusqu'à ce que
le corps tombe en morceaux.", ajoutant qu'il avait assisté
à ces exécutions. Sur le champ de bataille, un combattant
pouvait être tué par un autre s'il le soupçonnait
de vouloir s'échapper de la ligne de front.
Cannabis et pratiques magiques
Il a aussi raconté qu'avant de partir à la bataille,
les commandants donnaient aux combattants du cannabis et à
boire un liquide servi dans une calebasse en forme de squelette humain:
"Nous buvions cela et nous n'avions plus peur… vous
teniez tête à l'ennemi même si vous voyiez un frère
mourir."
Blessé par balle
Mardi 19, Maitre Desallier, défenseur de Thomas Lubanga a fait
décrire au deuxième témoin, lors du contre interrogatoire
ce qu'il avait vécu lors de la bataille de Bogoro. Il a questionné
ce témoin qui était un enfant à cette époque,sur
le nombre de balles que contenait les caisses de munition qu'il portait,
sur la date exacte de la bataille (aux alentour de février
2003) sur les lieux traversés par le groupe auquel ce témoin
appartenait. S'exprimant dans un français élémentaire,
cet ancien enfant soldat a raconté comment il avait été
blessé au mollet, étendu seul à coté des
cadavres, et qu'il était arrivé seul à s'enfuir
du champ de bataille. Il a aussi affirmé, que durant ces journées,
il état ivre, qu'il avait fumé du chanvre, et qu'on
lui avait fait avaler la poudre de balle de fusil pour le rendre invincible.
Pour raison de sécurité des témoins, lorsqu'il
évoque les familles qui l'ont accueillies son témoignage
s'est déroulé à huis clos.
Ces enfants doivent être considérés comme
des victimes
Dans une interview sur le site "Lubanga
Trial", Luc Walleyen, un des représentants des victimes
a déclaré:" Il est important, pour la communauté
qui suit le procès d'entendre les voix de ces victimes et de
comprendre que ces jeunes personnes qui étaient dans ces groupes
ne doivent pas être considérés comme des criminels,
mais comme des victimes".
103 victimes sont représentées aux procès. Selon
le règlement de la cour pénale internationale, elles
peuvent prétendre à obtenir des réparations individuelles
ou collectives.
La suite du procès sera consacrée à l'audition
des témoins présentés par la défense.
Compte-rendu écrit grâce aux rapports rédigés
par Wairagala
Wakabi et les minutes du procès.