Amnesty International France

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Le procès Lubanga devant la cour pénale internationale

Lettre d'information n° 21

semaine 12 - 15 janvier 2010

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Lors de la semaine du 12 au 15 janvier, la cour pénale Internationale qui juge Thomas Lubanga pour enrôlement, conscription et utilisation d'enfants soldats a entendu trois témoins présentés par les avocats des victimes. Pour protéger ces témoins, la plus grande partie des audiences a eu lieu à huis clos, et lors des audiences publiques, la voix et le visage des témoins étaient déformés électroniquement.

Les enfants enlevés dans une école:
Le premier était directeur d'une école à Mahagi dans l'est de la RDC. Il a raconté comment des miliciens de l'UPC, milice dirigée par Thomas Lubanga, avait investit son école et enrôlé plusieurs enfants. Il a dit qu'il avait été frappé à coup de crosse, qu'il s'était évanoui, transporté dans une clinique proche puis évacué sur un hôpital en Ouganda. Il a eu la figure déformée, subi des traumatismes et perdu son école. Ce témoin a ajouté qu'à son avis les charges auxquelles doit répondre Thomas Lubanga étaient "insignifiantes" par rapport à ce que les habitants de son village ont du endurer de la part des milices de l'UPC: "Il y a eu des meurtres, des assassinats, de l'esclavage sexuel, de la violence sexuelle."
Malgré les risques personnels qu'il encoure en venant témoigner devant la CPI, il dit être venu pour demander des réparations pour son village et que le monde sache ce que celui-ci a subi.

Les miliciens de l'UPC ont enlevé plusieurs enfants de moins de quinze ans
Les deux témoins suivants ont assurés que les miliciens de l'UPC ont enlevé plusieurs enfants de moins de quinze ans, certains de l'intérieur d'une école. La violence sexuelle contre les filles soldat, les punitions cruelles lors de l'entraînement militaire, la torture de civils ont été citées parmi les déplorables réalités qu'ils ont rencontrées. Tous les deux assurent que Lubanga était à la tête de l'UPC.

Des commandants auraient eu des relations sexuelles avec des filles soldats de 13 – 14 ans
Un de ces deux témoins, qui avait été enlevé par les miliciens de l'UPC et conscrit dans un groupe militaire, a dit qu'il y avait de nombreux enfants — garçons et filles — dans les camps d'entraînement de l'UPC, et que certains d'entre eux avaient été tués. Il a ajouté que les commandants avaient des relations sexuelles avec des filles soldats qui pouvaient avoir 13 à 14 ans. Lorsque les garçons et les filles étaient à l'entraînement, " les filles étaient soldats et en même temps femmes des commandants". A une question du procureur, Nicole Samson, il répond "Les jolies filles n'étaient pas traitées comme les garçons. Mais les autres filles l'étaient de la même manière que les garçon". Les jolies filles apprenaient aussi le maniement des armes et à être soldat.
Cet ancien enfant soldat a témoigné qu'un commandant de l'UPC lui avait ordonné de l'emmener chez un homme riche de son village, ainsi que de lui trouver de jolies filles. Il trouva trois filles que le commandant emmena. Il ne sait pas ce qu'elles sont devenues.

Tués comme des mouches
Un de ces anciens enfants soldats a décrit la bataille de la prise de Bogoro, en Ituri, bataille pour laquelle Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui sont accusés devant la CPI de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et dont le procès a débuté en décembre. "Ce jour là, beaucoup de gens ont été tués. J'ai vue des gens mourir à coté de moi. Ils étaient comme des mouches. Même des amis avec lesquels j'étais, moururent. Des commandants moururent aussi. C'était terrible".

Les mauvais traitements dans les camps de l'UPC
Ce témoin a évoqué aussi les mauvais traitements qu'il a subis dans les camps d'entraînement de l'UPC. Souvent fouettés sans raison, il a mangé quelques fois des haricots ou le sable remplaçait le sel. Une fois, victime de diarrhée, il a mâché du charbon de bois jusqu'à ce qu'il se sente mieux.
Il a raconté à la cour que les combattants de l'UPC qui fuyaient la ligne de front étaient exécutés; pendus à un arbre, les soldats à 20 mètres leur tiraient dessus jusqu'à ce qu'ils soient sûrs de leur mort. "Ils continuaient à tirer jusqu'à ce que le corps tombe en morceaux.", ajoutant qu'il avait assisté à ces exécutions. Sur le champ de bataille, un combattant pouvait être tué par un autre s'il le soupçonnait de vouloir s'échapper de la ligne de front.

Cannabis et pratiques magiques
Il a aussi raconté qu'avant de partir à la bataille, les commandants donnaient aux combattants du cannabis et à boire un liquide servi dans une calebasse en forme de squelette humain: "Nous buvions cela et nous n'avions plus peur… vous teniez tête à l'ennemi même si vous voyiez un frère mourir."

Blessé par balle
Mardi 19, Maitre Desallier, défenseur de Thomas Lubanga a fait décrire au deuxième témoin, lors du contre interrogatoire ce qu'il avait vécu lors de la bataille de Bogoro. Il a questionné ce témoin qui était un enfant à cette époque,sur le nombre de balles que contenait les caisses de munition qu'il portait, sur la date exacte de la bataille (aux alentour de février 2003) sur les lieux traversés par le groupe auquel ce témoin appartenait. S'exprimant dans un français élémentaire, cet ancien enfant soldat a raconté comment il avait été blessé au mollet, étendu seul à coté des cadavres, et qu'il était arrivé seul à s'enfuir du champ de bataille. Il a aussi affirmé, que durant ces journées, il état ivre, qu'il avait fumé du chanvre, et qu'on lui avait fait avaler la poudre de balle de fusil pour le rendre invincible. Pour raison de sécurité des témoins, lorsqu'il évoque les familles qui l'ont accueillies son témoignage s'est déroulé à huis clos.

Ces enfants doivent être considérés comme des victimes
Dans une interview sur le site "Lubanga Trial", Luc Walleyen, un des représentants des victimes a déclaré:" Il est important, pour la communauté qui suit le procès d'entendre les voix de ces victimes et de comprendre que ces jeunes personnes qui étaient dans ces groupes ne doivent pas être considérés comme des criminels, mais comme des victimes".
103 victimes sont représentées aux procès. Selon le règlement de la cour pénale internationale, elles peuvent prétendre à obtenir des réparations individuelles ou collectives.

La suite du procès sera consacrée à l'audition des témoins présentés par la défense.

Compte-rendu écrit grâce aux rapports rédigés par Wairagala Wakabi et les minutes du procès.

 

Retrouvez toutes les lettres d'information sur le site du groupe 405 http://ai405.free.fr rubrique Actualité "Suivi du procès Lubanga"

Sources:

Les minutes du procès: site de la CPI.
http://www2.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/Related+Cases/ICC+0104+0106/Transcripts/Trial+Chamber+I/

Des articles de journalistes suivant le procès. http://www.lubangatrial.org/  

La présentation des journalistes qui suivent le procès: http://www.lubangatrial.org/contributors/#4

On peut aussi consulter:
Le site de Human Right Watch en français: http://www.hrw.org/fr/news/2009/01/23/le-proc-s-de-thomas-lubanga-la-cour-p-nale-internationale
On peut aussi visionner un résumé vidéo de la première journée du procès sur le site de la FIDH: http://blog.gardonslesyeuxouverts.org/post/2009/01/26/Resume-video-de-laudience-du-26-janvier-2009